Scène 2
LES MEMES plus DAKTARI, LA MADONE DES DESHERITES, LA LANGOUREUSE ARIELLE
(Daktari entre, l'air très sûr de lui. On distingue deux silhouettes à la porte, dont l'une est tout en blanc.)
LE PRESIDENT
Ah, te voilà enfin ! (Regardant la porte) Mais que vois-je à l'entrée ?
Cette affreuse couleur qui me fait frissonner
Annonce la venue de cet autre fléau
Appelé la Madone ; elle en veut à ma peau.
LA MADONE (s'avançant, suivie de la Langoureuse Arielle)
Calme-toi, Président. Je suis là en amie.
LE PRESIDENT (Ouvrant un tiroir de son bureau et pointant un révolver sur La Madone)
Plus un pas ou je tire !
LA MADONE (Levant les mains)
Ah, vraiment, je te dis...
LE PRESIDENT
Qu'on fouille cette femme ! Elle a dans son grand sac
De quoi nous faire ici un beau coup de Jarnac.
LA MADONE
Arrête ton délire, écoute-moi un peu :
Je ne suis pas venue...
LE PRESIDENT (A Fifi)
Qu'on note ses aveux !
LA MADONE
Mais ce maudit volcan l'a rendu hystérique !
Pose cette arme à feu ; tu es trop colérique.
LA LANGOUREUSE ARIELLE
Entendez donc au moins ce qu'elle veut vous dire.
LE PRESIDENT (Tournant son arme vers la Langoureuse)
Toi, la décolorée, tu veux te faire occire ?
LA LANGOUREUSE ARIELLE (reculant)
Grand Dieu, non !
FIFI (Ayant pendant ce temps fouillé le sac et les poches de la Madone)
Elle n'a rien, Seigneur. Pas de bombe.
LA MADONE (Outrée)
Quand je te le disais !
LE PRESIDENT (Baissant son révolver)
Tu creuserais ma tombe
Si ça pouvais servir à te faire grimper
Aux plus hauts des sommets, à savoir L'Elysée.
LA MADONE
Vrai, quelle calomnie ! Moi qui venais ici
T'apporter mon soutien, soulager tes soucis !
LE PRESIDENT
Soulager mes soucis ! Elle en a de bien bonnes !
FEFE DE BROADWAY
Ecoutons-la, Seigneur.
LE PRESIDENT
Soit. Alors, la Madone ?
LA MADONE
Mon cher Féfé, bonjour. Vous allez bien, je vois.
FEFE DE BROADWAY
Tout à fait bien, merci.
LA MADONE
On dirait l'autrefois,
Lorsque nous déjeunions dans le jardin charmant
De votre oncle béni avec tous vos parents.
FEFE DE BROADWAY
Temps révolu, ma douce, et déjà oublié.
LA MADONE
La mémoire chez vous est assez atrophiée.
FEFE DE BROADWAY
Oui, on vieillit, hélas, et tout vous abandonne.
Ne restez pas debout.
LE PRESIDENT
C'est fini, la gorgone ?
Vas-tu enfin parler et nous dire pourquoi
Tu es venue ici semer un tel émoi ?
LA MADONE (S'asseyant)
Vous n'allez pas me croire, or c'est la vérité.
Cette nuit j'ai dormi et j'ai même rêvé.
Je voyais le volcan, assis sur ses talons,
Il fumait à tout va, comme dans un salon,
Envoyant dans les airs un panache mortel
Qui faisait s'écrouler notre tour de Babel.
Je m'approchais de lui, tombais à ses genoux
Et lui disais « Seigneur, je comprends le courroux
Qui vous conduit ainsi à nous faire la guerre.
Mais soyez généreux, et puis soyez sincère :
Qu'avons-nous donc tant fait pour mériter ainsi
De voir en un seul jour périr l'économie ? »
Il ne répondait pas, et sans me regarder
Muet comme une tombe il crachait sa fumée.
Je me mis à pleurer ; mes larmes en tombant
Sur la cendre épandue grésillaient doucement.
LE PRESIDENT (bas, à Fifi)
Qu'elle soit endormie ou bien fort réveillée,
Cela ne change rien, elle est vraiment piquée.
LA MADONE (se levant, ton de plus en exalté)
Et puis, du haut du ciel, tonna sa grosse voix.
Je l'entendis, Seigneur, tout comme je vous vois.
Il disait « mon courroux ne date pas d'hier*
Vous fîtes tant de mal, vous montrâtes si fiers
Envers cette nature appelée votre mère
Que je ne pus vraiment retenir ma colère.
Tremblez, fils et filles de cette auguste sphère :
Votre heure est donc venue : Sombrez dans la poussière !
Que vos avions pourris s'écrasent sur le sol !
Que votre économie en enfer dégringole !
Que votre monde entier, par mon ire vaincu
Agonise en pleurant, et tombe sur le cul ! »
Levant les mains vers lui, éperdue de douleur,
Je criai ma souffrance et toute mon horreur.
Ma voix dut l'adoucir ; car il baissa les yeux
Et me dit calmement : « Mais le remède existe :
Dis à ton Président et à ses arrivistes
Que s'ils viennent céans faire amende honorable
Je pourrais bien, qui sait, me montrer plus traitable
Et cesser de cracher mon venin enfumé
Destiné, par ma foi, à vous faire crever. »
J'aurais voulu avoir bien plus de précisions
Mais il a fait un geste et adieu la vision.
Je me suis réveillée, j'étais dans mon grand lit
Mais je me souvenais de ce qu'il avait dit.
Je suis donc accourue dans ce lieu vénéré
Pour remplir ma mission et tout te raconter.
(A suivre)