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A cette heure où les nuées jouent à faire peur, montrant leur front gris et uniforme, posé sur des horizons invisibles ; à cette heure donc qui suit d’étranges insomnies, il faut cependant ouvrir les yeux et voir.
Ce que l’homme fut en ses infinies migrations, d’exil en exil sur des terres qui jamais ne l’accueillaient vraiment, nul ne pourra le dire.
Il voyageait de Cracovie à Paris, de Paris à Thessalonique et de Constantinople à Smyrne. Il posait ses bagages, on ne sait pourquoi ni comment à Odessa.
Quelles caravanes suivait-il ? Quels buts furent les siens ? Que fuyait-il en repartant, deux valises au bout de chaque bras, cinq enfants assis sur les malles, sur un quai de Méthylène ?
Les convulsions du monde le ballotaient comme fétu de paille sur des rives méditerranéenne où il savait ne jamais être attendu.
Depuis, nous voici, de génération en génération, étranger en tous pays qui pourraient être les nôtres.
Non qu’il ne se trouve point quelques mains ouvertes, quelques bras accueillants, mais nul ne peut comprendre ce qui se transmet de distance respectueuse lorsque l’exil frappe de génération en génération.
L’important se trouve désormais toujours ailleurs, en des villes introuvables…
L’important se loge au cœur même de l’éternel voyageur, nomade intérieur dont nul, à moins de le connaître en son intimité (ce qui est rare et difficile), ne peut savoir qui il est, d’où il vient, lui-même restant dans cette ignorance, vague mémoire parvenue par bribes d’un temps où, entre eux, les humains savaient encore se parler.
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Savant entrelacs du temps
Entrechat des frontières
Entre deux diligences
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Pas suspendu au dessus du vide
L’homme attend
De l’esprit le plus ardent message
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Manosque, 8 mars 2010
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