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L’histoire de l’avenir selon Jacques Attali

Publié le 19 avril 2010 par Pierre

Attention : article intéressant mais pouvant se révéler indigeste _ penser à respirer entre chaque phrase.

L’histoire de l’avenir selon Jacques Attali
Jacques Attali a écrit en 2006 un petit livre (300 pages en format Poche) intitulé « Une brève histoire de l’avenir ». Le titre de l’ouvrage révèle l’immensité du défi relevé par l’auteur : faut-il y voir un manque de modestie ? Peut-être. Probablement. Quelques phrases sèment le doute sur le dimensionnement de l’ego de l’auteur. Ainsi, « dans cette version ultime de l’hyper-empire, la mort sera repoussée jusqu’à la disparition du dernier clone de soi ayant conscience de lui-même, voire jusqu’à l’oubli de tous les clones issus de soi par tous les clones issus d’autrui ». Et juste après : « puis l’homme, fabriqué comme un artefact, ne connaîtra plus la mort : à l’instar de tous les objets industriels, il ne pourra plus mourir, puisqu’il ne sera jamais né ».

Si le lecteur ne s’arrête pas à ces curiosités stylistiques, il constatera que le raisonnement développé dans l’ouvrage s’appuie sur le double postulat suivant :

  • En comprenant les structures et les logiques des époques passées, il est possible, dans une certaine mesure, de prévoir les évolutions du futur ;
  • La libération progressive des contraintes (matérielles, idéologiques, religieuses, sociétales…) qui pèsent sur lui constitue la quête fondamentale de l’Homme, depuis l’âge des cavernes jusqu’à aujourd’hui. L’objectif : l’atteinte de la liberté individuelle.

Si le premier point constitue l’un des principes de base de toute réflexion prospective, le second point est une interprétation proposée par l’auteur ; interprétation qui semble très contestable.

D’une part, parce qu’elle est présentée comme une évidence, sans vraiment être étayée. Ensuite, parce que Jacques Attali s’appuie sur cette hypothèse pour nous donner sa propre lecture des évolutions du passé, d’où découle sa vision du futur. Il explique donc le sens de l’Histoire par ce processus de libération progressive de l’homme de ses contraintes. Ce faisant, il simplifie à l’excès les différentes étapes de l’Histoire mondiale, leur donnant un sens qu’elles n’ont peut être pas, et passe sous silence des aspects semble-t-il essentiels de l’Histoire récente : quel sens donner aux grandes idéologies du XXème siècle ? Au retour en force du fait religieux ? A l’asservissement de l’homme moderne au productivisme, au matérialisme et à la consommation ? Rien n’est dit là-dessus.

L’histoire de l’avenir selon Jacques Attali
Après cette longue introduction (un tiers du livre, tout de même), et s’appuyant sur ce présupposé semble-t-il plus politique que scientifique, Jacques Attali se met à décrire les évolutions des 50 prochaines années. D’après lui, « c’est possible : l’Histoire obéit à des lois qui permettent de la prévoir et de l’orienter ».

Attali donc, avec une certaine assurance, nous présente le futur tel qu’il sera. On apprend que la course au libéralisme sera sans limites, car « par nature, le marché est conquérant : il n’accepte pas de limites […] Il ne signera pas de traité de paix avec les Etats. Il refusera de leur laisser des compétences. Il s’étendra bientôt à tous les services publics, et videra les gouvernements de leurs ultimes prérogatives ». Cette théorie de l’impuissance publique face aux marchés laisse rêveur : ce sont bien les Etats qui se sont mis un jour d’accord pour définir les règles du libéralisme mondial. Au nom de quoi ne seraient-ils un jour plus en mesure de modifier ces mêmes règles ?

Cependant, au fil de la lecture, on se rend compte que ce que l’auteur annonçait comme étant « l’histoire de l’avenir » se révèle en fait être une description de trois figures très contrastées : l’hyper-empire, l’hyper-conflit et l’hyper-démocratie. Notre avenir se situera quelque part entre ces trois extrêmes. Ah bon.

Ainsi, soit le marché sera roi, soit tout le monde se fera la guerre, soit les citoyens seront empathiques et pacifistes. Mais en fonction de quoi ? Pourquoi serait-on demain plutôt individualiste ou plutôt solidaire ? Peu d’éléments de réponse là-dessus.

Alourdi par un style prétentieux, le livre souffre vraiment de cette faiblesse méthodologique : rien n’est vraiment justifié ou argumenté, beaucoup d’éléments sont simplement affirmés. Au final, soit le lecteur croit l’auteur sur parole, soit il rejette en bloc sa vision des choses. Mais il ne retire pas de sa lecture de clefs ni d’outils pour l’aider à structurer ses propres réflexions.

C’est là où Attali passe certainement à côté de ce qu’il aurait pu apporter : expliquer l’avenir tel qu’il sera demain n’a finalement que peu d’intérêt si cela ne nous permet pas de comprendre en fonction de quelles logiques et de quels paramètres. Et si, par voie de conséquence, cela ne nous permet pas de mieux comprendre notre propre époque.


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