Scénariste, réalisateur et accessoirement monteur, Takeshi Kitano met en scène Kids Return (1997) avec ces différentes casquettes. Pour se faire, il s’inspire de sa jeunesse et narre ainsi une histoire qui flirte avec l’autobiographie.
Masaru et Shinji sont deux lycéens inséparables qui passent leur temps à sécher les cours et à traîner. Ils leur arrivent également de racketter jusqu’au jour où ils tombent sur plus fort qu’eux. Masaru décide alors de faire de la boxe, Shinji le suit dans cette entreprise. C’est pourtant ce dernier qui s’en sort le mieux. Masaru abandonne et se fait engager au service de yakuza. Quant à Shinji, il poursuit son bout de chemin en tant que boxeur…
Kids Return est une œuvre d’un pessimisme fou. En apparence, elle raconte l’histoire de deux jeunes gens quelque peu paumés. Des jeunes gens déscolarisés, se laissant aller à flâner ici et là sans but, sans objectif, vivant le jour le jour avec une nonchalance désespérante. Ce qui frappe c’est qu’avec ce portrait doux amer de la jeunesse japonaise se cache une violence terrible. Cette violence c’est celle de la vie, du quotidien auquel les jeunes étudiants ne sont pas préparés. Ils arpenteront avec désillusion leurs entreprises les rattachant à la vie sociale. Ce qui frappe au-delà du duo Masaru-Shinji, ce sont les trajectoires prisent par les « autres », des jeunes tout comme eux qui affrontent une réalité à laquelle ils n’auraient jamais songée. Takeshi Kitano réalise sur la jeunesse le portrait d’une génération de looser dont le combat est perdu d’avance.
La violence de la vie, la violence de la boxe et celle de la rue gangrenée de yakuza laisse peu d’échappatoire à ces jeunes dont l’initiation à la vie ressemble plus à une survie qu’à autre chose. Devant ce constat obscur qu’offre Kids Return du cinéaste japonais, peu de solution. Surtout une présence inexistante des parents, absents de l’apprentissage de la vie de ces jeunes. Quant à l’autorité professorale, il y a longtemps qu’elle a cessée de se battre pour les jeunes, allant jusqu’à plaisanter de l’échec aux examens de ses élèves. Un établissement scolaire s’apparentant du coup à une usine de l’échec. Un échec qui plane au-dessus de nos protagonistes qui se démènent tant bien que mal, endossant le rôle de suiveur plutôt que de meneur, écoutant les anciens qui les enferment dans une spirale de l’échec. Des jeunes qui lorsqu’ils se prennent en main participent à leur chute.
Kids Return est une œuvre au vitriol mais une œuvre au vitriol qui n’en a pas les apparences. L’échec se joue en sourdine et cet échec aussi troublant que cela soit, ses protagonistes ne la voient pas. Ils préservent l’illusion d’une vie meilleure qui ne viendra pas. Ils vont d’échec en échec. Ils sont perdus sans même le savoir. Troublant tant ils affichent ces mines réjouis devant un destin qui se montre des plus sombres. L’espoir qui les anime rend ces personnages touchants et une certaine tristesse s’empare de nous quant à la finalité de leur histoire. L’espoir n’est plus, le pessimisme est de rigueur, Takeshi Kitano livre une œuvre marquante orchestrée d’une baguette de maître par la musique de Joe Hisaishi.
> Rediffusion le vendredi 4 juin à 20h30 - Cinéma 1 - Séance présentée par Caroline Vié
I.D.