Pour les fidèles de ce blog, Cunégonde La Formidable n'est pas une inconnue. On se demande donc s'il est bien utile de la présenter de nouveau, de même que ses inénarrables acolytes. Mais la vie n'étant qu'une suite ininterrompue de répétitions, inclinons-nous donc devant cette évidence et allons-y :
Personnages :
Mesdames :
Cunégonde : Ex Présidente, richissime habitante de Dubaï ou de quelque chose comme ça.
Scarlatina O'Blondi : Femme du Président, lit la presse people et défend les libertés individuelles, quelles qu'elles soient.
Leïla : Sa suivante. Elle aime colporter parait-il des ragots.
La Madone des Déshérités : silencieuse quand il faut qu'elle parle et vice-versa. A une obsession et pas deux, on essaie de deviner laquelle.
Rosie la Terreur : Vendeuse de masques protecteurs et de vaccins divers. Aime les sabots roses.
La Langoureuse Arielle : Blonde inutile, autrefois décorative, mais que le nuage de cendres cloue au sol. A cependant de nombreuses heures de vol derrière elle.
Messieurs :
Le Président : A pour fonction essentielle de présider. Quoi ? Allez savoir !
Fifi : Son souffre-douleur porte-parole. Il est censé encaisser les coups à sa place. On dit bien : "censé".
Daktari : Il fait de l'humanitaire quand il en a le temps.
Féfé de Broadway : Nouveau venu dans l'équipe, parle culture et aime s'écouter. Il est le seul.
Objet prétendument inanimé mais ayant une âme et le don de la parole :
Le Volcan Hjkkdjfpuajfnc, plus simplement appelé "le volcan". Amuseur public.
La scène est en des lieux divers et variés.
Scène 1
Le bureau du Président
LE PRESIDENT, FIFI, ROSIE LA TERREUR, FEFE DE BROADWAY
Le Président
Alors, mon cher Fifi, quelles sont les nouvelles ?
Ce vieux volcan pourri cherche-t-il la querelle ?
N'a-t-il donc pas compris qu'en crachant sa fumée,
Il excitait en moi de guerrières pensées ?
FIFI
Il continue, Seigneur, et son outrecuidance
Ne cesse de braver toutes les bienséances.
Il crache, fume et bave et envoie de partout
Ses postillons cendreux et son tout-à-l'égout.
LE PRESIDENT (tapant du poing sur le bureau)
Qu'on ose ainsi braver mon courroux légitime,
Que de mon aviation il fasse une victime,
Voilà ce que j'appelle une provocation
Qui mérite vraiment sévère correction.
Lui a-t-on envoyé un net ultimatum ?
FIFI
Ce matin, cher Seigneur, avec un post-scriptum.
LE PRESIDENT
Qui disait ?
FIFI
Cessez de polluer* l'atmosphère
Ou bien nous ripostons et ce sera la guerre.
FÉFÉ DE BROADWAY
La réplique est superbe et je salue en toi
Cette clarté d'esprit digne des plus grands rois.
Mais avec quelles armes veux-tu donc riposter
Lorsque tous nos avions au sol restent cloués ?
FIFI
Ces fougueux appareils sont certes inutiles ;
Mais il reste les chars et leurs grands projectiles.
L'armée est prévenue, tout le monde est en place :
On est prêt désormais à braver la menace.
ROSIE LA TERREUR
Mais déclencher la guerre, est-ce bien raisonnable ?
Le volcan peut, grands dieux, se montrer intraitable,
Et cracher derechef non plus de la fumée
Mais des gaz asphyxiants pour nous exterminer.
Au fond de mes placards, j'ai certes bien des masques
Que j'ai voulu revendre à tous les monégasques,
Mais qui me sont restés, si j'ose m'exprimer,
Sur la tête et les bras et me cassent les pieds.
On pourrait, et c'est sûr, distribuer dans la rue
Cette protection*. Ce serait très bien vu.
Je doute cependant de l'efficacité
Que pourrait bien avoir de vieux masques troués.
FEFE DE BROADWAY
Pour une fois, Seigneur, Rosie est dans le vrai.
Il serait imprudent que d'ici, sans délai,
Vous envoyiez au front notre si belle armée
Sans avoir votre peuple assez bien protégé.
FIFI
A celle de Féfé, je joins ma noble voix.
Le volcan est très fort, il n'est pas aux abois.
Sans doute a-t-il en lui de fort grandes réserves
Qui pourraient transformer notre armée en conserves.
L'Europe est sous sa coupe, à quand le monde entier ?
A ce nuage affreux, comment donc résister ?
LE PRESIDENT
Et que disent mes pairs ? Quel est donc leur avis ?
FIFI
Qu'il faut là maintenir cette paix à tout prix.
Se rendre sur la place, avec un drapeau blanc,
Continuer le dialogue avec ce vieux volcan.
Le bruit court qu'à son âge, on ne saurait fumer
Bien longtemps à ce point sans se faire tousser.
Et qu'il finira bien, cet atroce démon,
Par s'étouffer lui-même et mourir d'un phlegmon.
FEFE DE BROADWAY
A moins qu'il ne se mette à cracher ses entrailles,
Ce qui serait, je crois, de graves représailles.
LE PRESIDENT (avec un soupir)
Il faut donc renoncer à ce qui fait ma gloire,
A savoir ma manie d'être bien péremptoire
Et nous réfugier* dans la diplomatie :
Ah que je n'aime point toutes ces arguties !
Moi qui n'aime qu'agir et beugler un bon coup !
Comme je suis frustré ! Comme je suis à bout !
FIFI
Je conçois tout à fait votre grande impatience.
Mais ne vaut-il pas mieux, vu cette sale ambiance,
Se montrer doucereux, faire la chattemite ?
ROSIE LA TERREUR
Que signifie cela ? A comprendre j'hésite.
FIFI
Ce volcan représente un danger extérieur.
Mais il n'est pas le seul. Songez à l'intérieur.
LE PRESIDENT
Tes énigmes, Fifi, ont le don éprouvé
De m'agacer les nerfs et de bien m'énerver.
Sois clair si tu le peux.
FIFI (hésitant)
Je pensais au scandale...
Vous savez, ces rumeurs circulant en rafales
Sur le net, à propos de notre chère dame...
LE PRESIDENT (Majestueusement)
Plus un mot, je te prie, sur ce ragot infâme.
ROSIE LA TERREUR (Inconsciente)
Ah c'est vrai, la rumeur, je l'avais oubliée.
Comment avait-on pu à ce point calomnier
Un couple si uni, si tendrement fidèle
A ses engagements que c'en est un modèle ?
Vous accuser ainsi de basse tromperie,
Et prêter un amant à la belle égérie
Qui porte haut et grand les couleurs du pouvoir,
C'est d'un aveuglement qu'on ne peut concevoir.
LE PRESIDENT
Tiens ta langue, Rosie, ou je vais de ce pas
Dans l'affreux Antarctique expédier tes appâts. (1)
ROSIE LA TERREUR
Je me tais, ô Seigneur, et vous baise les pieds.
LE PRESIDENT (La regardant faire)
C'est certes agréable mais ne résout en rien
Le problème de fond : que faire à ce vaurien ?
Je parle du volcan. (On frappe à la porte) Qui veut entrer céans ?
Je suis en réunion. Quel est le mécréant
Qui vient troubler ici mes sacrées réflexions ?
LA VOIX DE DAKTARI
C'est moi, mon Président. Daktari, le champion.
(A suivre)
(1) - Depuis son exil en Antarctique (Voir Cunégonde en Antarctique), Rosie est régulièrement menacée d'y être éjectée de nouveau à chaque stupidité qu'elle dit ou fait.
* : Faire une diérèse.