Philippe Annocque, Liquide
Publié le 18 avril 2010 par Cetaitdemainorg
Comment les souvenirs nous viennent-ils ? A quelle vitesse ? Sur quelles mémoires s'appuient-ils et que reste-t-il de leurs traces dans notre
conscience multiple ? Ont-ils seulement la force de se constituer personnages à l'intérieur d'une histoire ?
Philippe Annocque, comme nous
tous, est prisonnier de ces questions. L'observation du fleuve où glissent d'insaisissables brindilles n'y changera rien. L'écriture non plus. Elle ressemble aux mouvements de l'eau qui
brouillent surface et profondeur, apparition et disparition. La phrase de Philippe Annocque dans Liquide, paru chez Quidam
Editeur, s'arrête volontiers au milieu d'une page et reprend trois lignes plus bas. Entre les deux fragments, des italiques, des parenthèses, des tirets qui disent autre chose ou la même
chose mais différemment. La pensée naît et meurt ainsi dans une présence où l'absence se tapit déjà. La pensée et les souvenirs et les émotions et les désirs. La vie. Impossible à ranger. A
contenir. Le livre déborde. Sans noyer le lecteur qui peut s'asseoir sur le banc face au fleuve. Il comprend qu'un match de foot sans la présence d'Alexandrine n'a plus guère de sens, que prendre
tout seul la douche après la sueur ne fait pas palpiter le sang. Il saisit que Suzanne, tellement plus sage, (mariage-enfants-maison-argent-voiture), précipite le destin dans une lenteur
poisseuse. " Aimer alors c'était refaire les papiers peints de la maison nouvelle : d'abord la chambre du bébé)". Ce bébé dont on aura du mal à être le père, surtout quand un deuxième viendra,
car on n'est pas sûr soi-même "de se sentir le fils de Papa"...
Quand on referme le beau livre de Philippe Annocque on cherche encore longtemps les brindilles du fleuve. Qui pourraient nous dire, peut-être, un peu de nous, un
peu de ce qui nous a fait, un peu d'Alexandrine aussi. Où est-elle après toutes ces années ? Qui ne porte pas au coeur le souvenir d'une Alexandrine ? Qui ne voudrait pas la retrouver ?
Alexandrine ? Dis-moi ! Quand reviendras-tu ?