On oublie souvent que le général de Gaulle n'est pas né général. Son parcours n'en est que plus remarquable quand on constate que parti de chez lui il est arrivé là où l'Histoire la placé. Au départ, Charles que ses copains de bistrot appelaient familièrement Charlot, n'avait pas de dons particuliers si ce n'est qu'il tenait bien la chopine. Dans son milieu c'était un atout certain mais cela ne lui ouvrait pas de portes vers un avenir radieux.
A Lille sa ville natale, il avait son QG au Café des Sports où il passait ses journées, allant du comptoir au billard, un verre dans une main, da pipe dans l'autre. A l'époque il fumait la pipe par économie, récupérant des mégots qu'il évidait dans le fourneau. Le temps semblait long tout comme sa silhouette qui s'élevait dans les airs comme un signe précurseur. Un jour de pluie gris et froid, l'ennui devenant insupportable, Charles se risqua dans l'arrière salle du café où des retraités passaient le temps à jouer à la belotte et dépenser leurs pensions en canons ou bocks de bière.
La vie offre de ces hasards dont on se souvient plus tard avec un étonnement émerveillé. Une table de trois joueurs se désespérait d'en trouver un quatrième, « Hé ! Charlot, tu viens taper le carton avec nous ? ». Après avoir hésité un instant, Charles posa sa grande carcasse sur la chaise offerte, se fit servir une petite mousse et expliquer les grandes lignes du règlement. A partir de ce jour Charles ne quitta plus la table de jeu et devint le meilleur stratège du quartier.
De longs mois passèrent ainsi, capots et dix de der s'enchaînaient les uns après les autres, au grand désespoir de ses adversaires qui rendaient les armes plus souvent qu'à leur tour. L'hiver et le printemps se succédèrent, jusqu'au matin du 18 juin où Charles se leva de sa chaise et sorti du Café des Sports en criant à la cantonade « Le devoir m'appelle ! ». La suite est mieux connue.