Au mois de septembre, au cours de l’université d’été de l’UMP à Seignosse, notre ministre de l’intérieur, M. Brice Hortefeux, s’était laissé aller à une plaisanterie vaseuse à propos d’un jeune militant UMP d’origine maghrébine. Suite à une plainte du MRAP pour "injure publique et raciale", il était cité, ce vendredi 16, à comparaître devant le Tribunal correctionnel de Paris. Alors que, pour un délit de ce genre, le parquet envoie d’ordinaire un banal substitut, fort de sa dépendance, il a dépêché cette fois le procureur adjoint, François Cordier.
En dépit des explications variées mais toujours peu convaincantes fournies cet été par notre Auvergnat de ministre, le procureur adjoint, parlant de « propos outrageants » et « méprisants », a déclaré : « Il me semble que le délit d'injure raciale est [sic] constitué au sens de la loi ». L’article R624-4 du code pénal précise à ce sujet : « L'injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe ».
J’ignore si c’est la presse qui s’est fourvoyée en employant le mot de délit ou si c’est la langue du juriste orfèvre commissionné par le parquet qui a fourché car, après avoir reconnu le caractère raciste et injurieux de la phrase calquée sur le slogan « un verre, ça va, trois verres, bonjour les dégâts », François Cordier s’est employé à démontrer qu’elle n’avait pas été prononcée dans un cadre public. Elle ne constituerait donc pas un délit mais une simple contravention.
L’essentiel de sa démonstration consiste à faire valoir le caractère privé de cette Université d'été. Ce qui va à l’appui de cette thèse, c’est que l’injure publique se définit comme un délit de presse, soumis au régime de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881. Pour ma part, je serais plutôt tenté de considérer que ne peut être considéré comme privé qu’un contexte d’où la presse est exclue. Une université, lieu par excellence d’un enseignement, ne me semble guère privée. Et si tant de spectateurs tenaient à se faire photographier avec Brice, ce n’est pas pour être immortalisés en compagnie d’un Auvergnat mais bien aux côtés d’un ministre, personnage on ne peut plus public.
Mais abandonnons l’aspect judiciaire de la chose, où le juge statuera vraisemblablement le 4 juin qu’il n’y a pas, en la circonstance, de quoi fouetter un ministre. J’évoquerai simplement un fait remontant à 1974. Jean-Jacques Servan-Schreiber, à peine nommé ministre de la Réforme, avait alors manifesté son opposition à la reprise par la France de ses essais nucléaires dans le sud du Pacifique. Douze jours après sa nomination, il s’était vu débarqué du gouvernement.
Qu’attend donc notre Président de sang mêlé, prestigieux immigré de seconde génération, pour manifester de manière éclatante sa réprobation de toute forme de racisme, aussi rampante et discrète soit-elle ?