[Ces quelques lignes sont le début d’un long texte qui accompagnait Passage de la visitation]
Du mystérieux événement, il apparaît assez que le poème rend compte de bien des manières. En prose ou en vers. Avec des mots qui éclatent et avec d’autres transparents, avec une conscience extrême ou emporté par son élan, avec solennité, avec ironie, parfois les deux ensemble ; ici l’abstraction brûle, là des métaphores font entrevoir un monde apparemment aboli. Suivant les occasions et la chance, chaque poème se constitue son langage comme il peut. Ainsi tous les sons sont-ils possibles, tous les rythmes, toutes les formes : « tous les moyens sont bons ». Et d’autant plus qu’aucun n’est bon, jamais, en réalité : au cours du mouvement souverain nous sommes encore si peu capables.
Ce que dit le poète serait d’un intérêt assez limité s’il ne faisait qu’exprimer au moyen d’instruments de sa composition, et fussent-ils les plus agréables à entendre, des sentiments qu’il avoue et dans lesquels chacun peut se reconnaître, ou même s’il révélait en l’imaginant une part de lui-même à lui-même inconnue. Il s’agit de bien autre chose.
André Frénaud, Note sur l’expérience poétique, parue dans Passage de la visitation et reprise dans Il n’y a pas de paradis, Poésie/Gallimard, p. 237.
contribution de Tristan Hordé