Le bon journalisme peut être incisif et sans complaisance s’il est documenté, patient, épris du vrai et dénué d’animosité. Or pour les petits journalistes poussés aux hormones, toujours plus nombreux dans les périodes de basses eaux intellectuelles, la grande affaire, la seule, est de débusquer l’égoïsme mesquin présupposé des hommes politiques derrière leurs proclamations altruistes.
Tout projet est ainsi rabaissé à longueur d’antennes, toute analyse rabotée, toute ardeur suspectée par ces échotiers incultes, imbus, arrogants, autoproclamés porte-parole de la « société civile » et des « vraies gens ». Il faut les voir, ou les entendre, traquer le non-dit, épier le lapsus, tenter d’arracher l’embarras qui doit trahir chez le responsable politique le cynique ambitieux qu’il cache forcément, comme tout homme son cochon. Le bruit qui court est leur pâture, l’investigation leur moindre souci. L’irrévérence leur semble être le premier devoir des medias ; la vérification, du temps perdu ; la simple vérité, de la biscote sans sel. Faut que ça crache, faut que ça mousse, faut qu’on dise après : « T’as vu comme il s’est fait le ministre ! » En prétendant main sur le cœur rechercher le vrai sous l’apparence, ils inoculent incessamment ce virus de la défiance et de la dérision qui finit par miner les démocraties. Et quand ils ont bien travaillé à disqualifier un personnel politique généralement en France honnête, compétent et dévoué, nos finauds jouent les veuves éplorées pour constater la montée alarmante de l’abstention et le désengagement civique des jeunes générations.
Dans le discrédit du temps, les hommes politiques n’ont plus grand chose à perdre. Tout à gagner au contraire, si, au lieu de se coucher devant les « faiseurs d’opinion », ils se rebiffent, se redressent, adossés au suffrage populaire qui les a portés à leur place exigeante et complexe, et s’ils renvoient sans ménagement dans les cordes les roquets poids plume qu’on leur lance.
Arion