Il arrive parfois de visionner des B.A. réussies qui donnent sacrément envie d'aller voir un film. Cette vérité se perd, dans la mesure où, aujourd'hui, on a d'avantage l'impression de voir le film en condensé (et de plus en plus souvent en bien meilleur) que d'en avoir un subtil aperçu titillant notre curiosité. A tel point que, dorénavant, on arrive les trois quarts du temps devant un film en ayant déjà un avis préconçu, un potentiel affectif bien établi, et une anticipation accrue non pas de ce qu'on a pas encore vu, mais de ce qui nous a amenné à le voir dans son entier.
En un sens, c'est ce qui s'est produit pour Les Chèvres du Pentagone. Il y a quelques mois de cela, une vidéo complètement barrée débarque, avec un titre à l'excentricité évocatrice, et un casting époustouflant. Et là, d'emblée, on (je) dit: banco! La B.A. est à ce point poilante qu'on se la repasse en boucle et que l'on glorifie le film par anticipation. De deux choses l'une: soit ce film va devenir immédiatement culte, soit il roule à vide et a concentré le peu de génial potentiel qu'il recèle dans une bande-annonce qui elle, restera culte. Et lorsque l'on sait que Grant Heslov (Good Night, and Good Luck) est aux commandes, les derniers doutes s'envolent.
Plongée au coeur de l'histoire vraie d'une fable incroyable.
Inspired by a "top secret" true story...
Et ça démarre sur les chapeaux de roue, avec Bob Wilton (Ewan McGregor), journaliste dans un quotidien miteux dont la vie privée part en sucette. Désespéré, il se rend en Irak pour tenter d'approcher au plus près les réseaux terroristes dans le but de décrocher un scoop et, pourquoi pas, de passer pour un héros. C'est dans un hôtel tranquille en-dehors de la zone militarisée qu'il rencontre Lyn Cassidy (George Clooney), soldat en détachement pour une branche très spéciale de l'armée visant à former des soldats médiums. Alors qu'il s'attache aux pas de Lyn, Bob va entrer dans les arcanes de ce projet classé secret défense par le gouvernement.
Histoire de resituer un peu le contexte, tout cela se passe sous l'administration Bush. Autrement dit, en pleine campagne irakienne. Si le périple de Bob et Lyn en plein coeur du désert nous plonge partiellement - et de façon parfois étonnante - dans cette réalité, et bien que le panorama occupe une bonne partie du récit, ses contours demeureront plutôt flous, surtout pour les réfractaires à l'actualité. Il n'empêche que, de loin en loin, on retrouve un peu des Rois du Désert dans cette virée certes bien différente mais pas moins sarcastique. On reprochera sans doute à Grant Heslov de soigner si peu ses transitions s'agissant du récit de Lyn se mêlant à leur escapade dans le désert, en quête d'un point... qu'il ignore lui-même. Tout cela paraît un peu confus jusqu'au dernier tiers du film, qui boucle la boucle avec une certaine maladresse.
Pourtant, passés les quelques défauts rythmiques et/ou scénaristiques du film, Les Chèvres du Pentagone fait l'effet d'un nuage radioactif chargé de gaz hilarant ayant survolé la salle.
A story so unbelievable, it has to be true
On a beau le savoir, au fur et à mesure que les séquences s'enchaînent, on a quand même envie de se pincer le bras pour se rappeler que tout ceci est inspiré de faits... réels. Quel être sain d'esprit pourrait effectivement envisager sérieusement que l'armée américaine se soit livrée à de telles expériences (certes louables) en vue de mener une guerre propre? Le propos est ahurissant, et les images, elles, sont à se pisser dessus.
La charge comique du film, gonflée à bloc, est répartie plutôt équitablement entre les deux phases du récit: celle relatant ce qui est en train de se passer, et celle revenant sur la formation de Lyn pour accéder au grade de... chevalier Jedi. Si, dans la bouche d'un soldat américain, cela prête déjà à sourire, la révélation s'avère d'autant plus cocasse lorsqu'elle est faite avec un sérieux défiant toute concurrence à un ex-jedi totalement incrédule: Ewan McGregor, alias Obi-Wan Kenobi. D'ailleurs, c'est là l'un des ressorts comiques les plus utilisés entre les deux partenaires: Clooney tentant de convaincre McGregor qu'il est lui aussi un guerrier Jedi. C'est l'une des richesses du film: celle de jouer avec les clichés auxquels le casting a pu être confronté. Ainsi, tandis qu'on se moque gentiment des jedis, on rappelle la coupe de cheveux improbable dont Clooney se glorifiait dans sa prime jeunesse, ou l'on casse habilement l'image de gros bras de Jeff Bridges en le muant en gourou beatnik. C'est irrésistible! Dés lors que l'on pénètre dans les coulisses de cette division secrète de l'armée, les zygomatiques en prennent pour leur grade. Entre la compréhension de la psyché des chèvres, la libération du "moi" profond par la danse et la méditation, la fission de nuages ou encore la distribution de fleurs en classe, on nage en plein délire, renforcé par l'idée même que tout cela a bel et bien eu lieu. Et alors qu'une poignée de soldats "élus" renouent avec leurs aspirations hippies, nous, on s'éclate.
"We're jedi. We don't fight with guns, we fight with the mind"
Je pourrais disserter longtemps des aventures rocambolesques de cette division d'élite de l'U.S. Army, mais je m'en voudrais de spoiler à tout va. Tout ce qu'il me reste à vous dire de ce films, c'est que son équipe est loin d'être une bande de chèvres, que le casting est aux petits oignons (formidable Jeff Bridges), que les scènes cultes s'enchaînent (la séquence de Kevin Spacey mettant un soldat en transe à l'aide d'une lampe est génialissime), et que la satisfaction, à l'arrivée, est quasi totale: on plane à 5000! Bref, de la bonne satire militaire qui pèse lourd, un moment de franche rigolade dopée au LSD, à se damner.
J'adore, et j'adhère.
*Indice de satisfaction:
*1h30 - américain - by Grant Heslov - 2010
*Cast: George Clooney, Ewan McGregor, Jeff Bridges, Kevin Spacey, Stephen Lang, J.K. Simmons, Robert Patrick...
*Genre: Peace and love...
*Les + : Une brochette d'acteurs aux taquets pour un florilège de séquences toutes plus poilantes les unes que les autres, sur fond de satire militaire. Un pur bonheur.
*Les - : Un petit passage à vide en milieu de parcours, rattrappé par une fin hallucinogène.
*Liens: Fiche Film Allocine
*Crédits photo: © Sony Pictures