Il est calme, surtout quand il parle du clapotis des rumeurs à une journaliste américaine. Il est à l'écoute, surtout quand il réalise que ses décisions sur les zones déclarées inconstructibles en Charentes Maritimes sont débiles. Il est même compatissant, surtout quand il s'agit des chômeurs en fins de droits. Le Nouveau Sarko est arrivé. Vraiment ?
Impasse nucléaire
Lundi, Sarkozy est reparti à Washington, pour un sommet sur la sûreté nucléaire dans le monde. On a parlé Iran, terrorisme nucléaire et désarmement. La Sarkofrance est doublement mal à l'aise. Elle défend coûte que coûte sa dissuasion nucléaire. Sarkozy n'est pas seule à la défendre. Le Monarque cherche aussi et surtout à vendre des centrales françaises partout dans le monde. Le discours d'Obama contre la prolifération nucléaire ne convient pas. Avant de partir à Washington, Sarkozy avait invité à Paris son ami Berlusconi. Il n'avait rien à dire si ce n'est de le féliciter d'équiper l'Italie en centrales nucléaires. Une information connue depuis ... 2008. Sarkozy cherchait quelques alliés avant son voyage américain. Vendredi, à Paris, il a reçu le premier ministre du Koweit. Ce dernier a signé un accord «pour le développement de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire».
Dans ses bagages, le Monarque avait une petite lettre pour Barack Obama, un courrier de Roman Polanski pour plaider sa cause devant la justice américaine. L'intervention présidentielle fut discrète. Sarkozy n'aimerait que son électorat conservateur l'apprenne.
Aux Etats Unis, le Monarque a livré un entretien télévisé de 34 minutes avec Cathie Kouric, de CBS. Cette dernière a involontairement donné une leçon de journalisme aux habituels intervieweurs du Monarque français. Elle a évoqué les remarques désobligeantes de Sarkozy sur Obama, et l'affaire d'Etat créé autour de rumeurs conjugales. Elle a questionné l'incohérence française en Afghanistan et la diplomatie atomique de Sarkozy. Avec courtoisie et persévérance, elle a répété ses questions quand les réponses ne lui convenaient pas. Sarkozy était vouté sur sa chaise pliable. Il a eu du mal à convaincre que la prolifération du nucléaire civil n'était pas sans danger.
Couacs médiatiques
Ce déplacement américain fut occulté par un joli vacarme. En France, l'attention médiatique était ailleurs. Après l'affaire de la rumeur, la vrai-fausse nomination à France Télévisions a fait grand bruit. Un couac comme la monarchie sarkozyenne en a l'habitude. Depuis des mois, Nicolas Sarkozy prend un soin immense à choisir le futur président de France Télévisions. Le sort de Patrick de Carolis est scellé. Son mandat expire définitivement en août. Si confiants, certains des «visiteurs du soir», ces occultes conseillers que le Monarque consulte pour ses choix, se sont vantés de la future décision. La presse relaye l'information. Le futur patron de France Télévisions, un ancien conseiller de François Fillon, se trouve disqualifié. Nicolas Sarkozy, au repos dans la résidence versaillaise de la Lanterne, devient furax et convoque ses conseillers pour leur passer un savon. Mardi, le Conseil d'administration de France Télé n'évoque pas le sujet. Mais Carolis se venge: il fait rejeter, contre l'avis de l'Etat, le projet de privatisation de la régie publicitaire, convoitée par l'homme d'affaires Stéphane Courbit, allié à Alain Minc, qui lui-même conseille Sarkozy...
En Charentes Maritimes, le gouvernement a choqué. Après la tempête Xynthia, on s'était rappelé les déclarations de Nicolas Sarkozy, à peine un an auparavant, quand il souhaitait un assouplissement des règles d'urbanisme pour pouvoir construire en zones inondables. 53 morts plus tard, le propos a évidemment changé. Il y a 10 jours, le préfet du coin dévoile une liste de 1500 habitations qui devront être rasées pour raison de sécurité. On parle de zones noires. Les habitants concernés sont choqués. Le découpage est contesté et contestable. Fidèle son habitude, Sarkozy commence par s'entêter: alors qu'il s'envole pour Washington, l'Elysée publie un communiqué rappelant les ordres présidentiels.
Jeudi, Jean-Louis Borloo est envoyé sur le terrain pour déminer la situation. Il plaide le malentendu: «Il y a eu un malentendu, les zones évoquées ce sont des zones de solidarité, des zones de rachat, ce ne sont pas des zones de destruction massive». L'Etat ne va pas autoritairement détruire les maisons. «C'est une erreur de communication» dit Benoist Apparu.
Une de plus.
Retraites anxiogènes
Mercredi, le Conseil d'Orientation des Retraites livrait son rapport tant attendu sur «l'actualisation des perspectives à long terme du système de retraite». Les prévisions sont cataclysmiques : même avec l'hypothèse d'une situation d'emploi favorable (4,5% de chômage, une production progressant de 1,8% par an), le déficit du régime des retraites atteindrait quelques 72 milliards d'euros en 2050. Le quotidien Le Monde en rajoute, en titrant qu'il « faudrait 2600 milliards d’euro pour sauver les retraites d’ici 2050 ». Une affirmation grossière qui ignore le niveau de PIB de 2050, et qui additionne des déficits alors que les déficits de financement ne sont qu'annuels. Le gouvernement se paye quelques pages de publicité pour louer son débat. Rue89 nous rappelle que l'Elysée dépense 100 millions d'euros par an en propagande publicitaire.
Le débat est risqué pour Nicolas Sarkozy, coincé dans son idéologie fiscale. A cause du bouclier fiscal, les inévitables futures hausses d’impôts pour rééquilibrer les comptes publics et sociaux comme ceux des retraites ne concerneront pas les foyers les plus fortunés. A droite, on ne veut parler qu'allongement des départs à la retraite. La retraite à taux plein suppose déjà un départ à 65 ans pour les salariés et non-salariés du secteur privé. Et la durée d’assurance sera déjà de 164 trimestres, à compter de 2012. La complexité des régimes de retraites n'est toujours pas évoquée: la variété des parcours professionnels, les alternances de périodes d'activité et de chômage, les changements de statuts ou d'entreprises rendent imprévisibles les retraites futures, et sont bien plus déterminants et complexes que la simple question de l'allongement de l'espérance de vie. L'hypocrisie du débat gouvernemental est évidente. Eric Woerth, suivant les consignes de son maître, réaffirme que le gouvernement est prêt à tout ... sauf à augmenter les prélèvements: «Il y a un sujet sur lequel évidemment le gouvernement n'est pas ouvert, c'est l'augmentation des prélèvements».
Sarkozy souhaite surtout déstabiliser la gauche sur son tabou de la retraite à 60 ans. Ni Martine Aubry ni Ségolène Royal ne semblent prêtes à tomber dans le piège. Brandir la question de l'âge de départ à la retraite est bien facile quand on omet de discuter assiette et modalités de calcul de cette solidarité nationale. Et les prévisions du COR, comme l'a détaillé Jean-Luc Mélenchon avec précision, reposent sur des hypothèses (fécondité, population active, etc), figées sur 40 ans pour les besoins de l'exercice, qui fragilisent d'autant les projections finales.
Compassion sociale
Jeudi, Nicolas Sarkozy a découvert qu'il y avait des chômeurs en fin de droits. Ils seront un million d'ici l'automne, conséquence des suppressions d'emplois depuis 2008. Quelques 360 000 d'entre eux échapperont à tous les dispositifs d'aide sociale connus à ce jour. Le diagnostic n'est pas nouveau. En novembre dernier, pôle emploi avait communiqué tous ces chiffres. Mais en novembre, le gouvernement était davantage préoccupé par son débat sur l'identité nationale, une sale manoeuvre électoraliste qui a finalement échoué. Fin janvier, une première réunion de travail chez Laurent Wauquiez avait laissé les organisations syndicales sur leur faim. Le secrétaire d'Etat au Chômage avait déclaré qu'il fallait étudier les différents cas et que le problème était une « question de gestion de l'assurance dans la crise». Il recommandait que l'assurance chômage «répartisse» ses allocations. En mars, la droite sarkozyenne subit une déroute électorale comme elle n'en avait pas connu depuis des décennies. Panique à l'Elysée ! Le bouclier fiscal est attaqué de toutes parts, y compris à droite. L'inconstance présidentielle - après le revirement sur la taxe carbone - est dénoncée. Sarkozy trébuche sur une affaire de rumeur conjugale qui le met en rage au point de convoquer les services secrets. Cette semaine, le Sarko nouveau est (une nouvelle fois) arrivé: le voici compatissant. Jeudi, il visite, l'air sombre et concerné, une agence de pôle emploi du Val d'Oise, à Gonesse. Il pose pour la photo, au milieu de conseillers de pôle emploi casté par ses conseillers de l'ombre. Et il lâche, quelques heures avant une nouvelle réunion de travail chez Laurent Wauquiez, qu'il ne faut laisser personne sur le bord de la route. Ô surprise ! Wauquiez trouve 705 millions d'euros pour les fameux 360 000 chômeurs en fin de droits et de ressources. Environ 2000 euros par personne au total... Quel effort ! Le dispositif mêle des des formations rémunérées pour 70 000 personnes, des contrats aidés pour 170 000 autres, 50 000 contrats initiatives-emplois (CIE), et 120.000 contrats d'accompagnement pour l'emploi.. Et si un chômeur ne peut accepter l'une de ces offres, il aura droit à 460 euros par mois... A vot' bon coeur !
Compassion électorale
Vendredi, Nicolas Sarkozy poursuivait sa reconquête électorale. Aux médecins généralistes, il a promis que leur consultation passerait à 23 euros, et que le statut de spécialiste en médecine générale, voté il y a 3 ans (sic !), allait être mise en oeuvre. Il «drague à droite». Comment expliquer autrement cette attitude nouvelle de Nicolas Sarkozy ? « Nous sommes dans des difficultés financières, une crise financière qui nous ont empêché de faire cela. Ce n'était absolument pas ni un mépris, ni un refus, c'était le fait que nous avions reporté ces mesures » s'est excusée Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé. Cela fait des mois que les médecins généralistes protestent, manifestent, réclament. Ici encore, il a fallu une débâcle électorale pour le voir changer d'avis. Il y avait urgence. Les sondages se multiplient pour rappeler que les Français, de gauche comme de droite, ne veulent pas d'un second mandat sarkozyen.
Le même jour, une liste de 150 médicaments dont le remboursement est réduit de 35 à 15% était publiée au Journal Officiel. Cette baisse était paraît-il prévue dans le budget 2010. L'économie attendue est de 145 millions d'euros par an. La situation est cocasse : pourquoi rembourser un médicament à 15% ? Est-il indispensable à 15% ? En Sarkofrance, on rabiote en douce.
Vendredi, la justice a condamné France 24 pour avoir mentionné «la» rumeur. Le même jour, Brice Hortefeux est blanchit pour ses propos de septembre dernier sur le trop-plein d'Arabes... pardon, d'Auvergnats en France.
Quel sera le prochain couac, le prochain coup de rage de Nicolas Sarkozy ? Les semaines passent, et la question se répète comme une évidence: Nicolas Sarkozy n'a-t-il un problème de comportement ?
Ami sarkozyste, où es-tu ?