EN EGYPTE : LE DESERT DU SINAI ET LE MONASTERE Ste CATHERINE

Publié le 17 avril 2010 par Abarguillet

  

   Vues du désert du Sinaï   ( photos Y.  Barguillet ) 

Il y a d'abord le désert, un monde minéral, surprenant, qui déploie à l'infini ses entablements rocheux, ses monts sculptés, ses pistes caillouteuses ou ses bombements de sable qui prennent au soleil la couleur de l'or et du feu. Etrange, fabuleux labyrinthe en plein vent, où, il y a de cela très longtemps, Dieu parlait à l'oreille de Moïse. Oui, terre originelle que les siècles n'ont point changée et qui semble nous offrir, dans le silence et la solitude, un cliché véridique de ce que fût, au commencement des temps, l'aurore du monde. Est-ce donc ici que tout commence ou que tout finit ?  Est-ce ici que nous est présenté la géologie primitive de notre planète, sa face immémoriale que le passage des siècles n'est pas parvenu à changer ? Car, en ces lieux, règnent le chaos, celui qui présida à la naissance de la terre, avant que l'homme ne vienne y inscrire son oeuvre personnelle. C'est sans doute l'absence de civilisation qui frappe, parce que rien du quotidien de l'existence humaine n'y est visible. La route est comme une piste, celle que quelques nomades empruntent ( on en recense 80.000 ) pour le traverser à dos de chameaux et que l'on surprend, de loin en loin, fragiles esquifs dans cette mer de sable et de pierre où la température peut atteindre les 50°. Mer figée, immense à parcourir. On imagine ce qu'éprouvèrent les enfants d'Israël errant quarante ans dans ce territoire inhospitalier où la nature a oublié de sourire !  Par chance, le Sinaï est resté à l'écart des invasions touristiques, encore préservé des migrations contemporaines, d'où la sensation exaltante de pénétrer en un désert mythique pour les uns, mystique pour les autres.

Néanmoins, le Sinaï est, depuis les temps les plus reculés, un carrefour important, une porte entre l'Afrique et l'Asie et un pont entre la Méditerranée et la Mer Rouge. Au XVIe siècle avant notre ère, les pharaons avaient construit la route de Shur qui les menait jusqu'à Beersheba et Jérusalem. Les Nabatéens, puis les Romains, utilisaient, quant à eux, une autre voie que l'on nomme aujourd'hui Darb-el-Hadj, ce qui signifie " route des pèlerins". Malgré son aridité terrifiante, le Sinaï surprend ses rares visiteurs par sa beauté. Si la terre ne se prête pas à l'agriculture et si les Bédouins n'y survivent que grâce aux palmiers-dattiers, aux légumes qui poussent autour des points d'eau et à leurs troupeaux qui paissent sur les collines, elle n'en est pas moins grandiose. En dehors de ces quelques vies humaines, elle appartient au loup et au renard, la hyène et la chèvre sauvage, l'aigle et la gazelle. Car elle ne semble être là pour personne, que pour elle-même...

Quelle route fut celle des enfants d'Israël, en ce territoire sévère et hostile, quand ils quittèrent l'Egypte pour se rendre à Canaan sous la conduite de Moïse ? Bien que le tracé exact soit controversé par les érudits, il semblerait que celui-ci, une fois la Mer Rouge traversée, passait par Elim ( ce que l'on pense être l'actuel El-Tur ) avec ses 12 puits et ses 70 palmiers, puis par la plaine d'Ebran ( Wadi Hebran ) et, ce, jusqu'au Mont Horeb, où il leur avait été demandé de fonder une organisation religieuse et sociale. Tandis que notre car progresse, soudain nous apercevons, dans une étroite vallée pierreuse, les murs de la forteresse monastique construite par l'empereur Justinien au VIe siècle et qui est devenue le monastère Ste Catherine, au pied du Mt Moïse. A l'intérieur de l'enceinte, qui conserve sa silhouette primitive, et ne fut jamais, au cours des siècles, ni conquise, ni détruite, se regroupent des constructions d'époques diverses, dont une église, une mosquée, un musée, une bibliothèque, un ossuaire et les bâtiments conventuels du plus vieux monastère chrétien élevé à l'endroit précis où Dieu se serait révélé à Moïse dans le miracle du Buisson Ardent.
Les premiers moines vécurent dans une extrême pauvreté et certains furent victimes des nomades maraudeurs jusqu'au moment où ils envoyèrent une requête à Médine en 625 pour demander à Mahomet sa protection politique. Celle-ci leur fut accordée et la preuve en est toujours visible grâce à un document ( l'original se trouve en Crète ) que Mahomet en personne signa avec la paume de sa main. On raconte qu'il séjourna au monastère alors qu'il était encore marchand, ce qui est plausible, le Coran mentionnant les lieux sacrés du Sinaï. Si bien que lors de la présence ottomane dans la Péninsule, le monastère fut protégé. La Mosquée, construite vers le Xe siècle, est là pour rappeler que le Sinaï est aussi un carrefour des religions. D'ailleurs, à l'intérieur de l'enceinte, on croise autant de Chrétiens que de Musulmans ou de Juifs, venus en famille avec leurs enfants, se recueillir et admirer les pièces rares que recèle le musée, dont des icônes de la période byzantine (du  IVe au Xe siècle ) réalisées selon la technique de la cire fondue. La plus belle, selon moi, est un Christ Pantocrator de la fin du VIe siècle qui plonge son regard dans le vôtre comme s'il lisait au plus profond de vous. Saisissant !


   Christ Pantocrator du musée Ste Catherine du Sinaï


Le musée contient également de très beaux objets du culte comme une mitre en vermeil datant de 1678, don de la Crète, et un somptueux reliquaire de la même provenance, ainsi que des vêtements sacerdotaux et une bibliothèque réputée comme la plus grande et la plus importante après celle du Vatican. La pièce d'exception est le Codex Syriacus que l'on date du milieu du IVe siècle et qui est considéré comme le manuscrit le plus précieux au monde.
Malgré les merveilles qu'il abrite, le monastère frappe par sa simplicité. Tout y reflète le calme, tout y est imprégné de recueillement. On peut vraiment dire qu'ici le temps suspend son vol...



Plus loin, le jardin s'étend comme un long triangle et forme une véritable oasis au milieu des montagnes abruptes. A force d'efforts, les moines, appartenant à l'Eglise grecque orthodoxe, sont parvenus à faire pousser quelques palmiers, des plantes aromatiques et médicinales. A l'est,  se trouve une colline où vivaient Jethro et ses sept filles, dont l'une devint l'épouse de Moïse. De là, on aperçoit deux sommets : celui de Moïse ou Sinaï ou Saint Sommet ou encore Mont Horeb selon la Bible, qui culmine à 2285m et celui de Sainte Catherine ( 2637 m ), du nom de cette jeune fille née à Alexandrie qui tint tête à l'empereur Maxence au début du IVe siècle. L'empereur, ayant donné l'ordre à cinquante sages de lui faire adjurer sa foi chrétienne, la jeune fille réussit à les convertir par la force de ses arguments. Sous la torture, au lieu de plier, son courage et ses convictions eurent pour conséquence de subjuguer l'impératrice elle-même et quelques-uns des membres de la Cour. Ses restes, retrouvés non loin du monastère par un religieux, font dorénavant l'objet d'une vénération et reposent dans un reliquaire au coeur de l'église.
Il est midi, les cloches sonnent, joyeux carillon au coeur de cette sévérité. Notre dernière visite sera pour la chapelle du Buisson Ardent de style byzantin. En cet endroit, le pèlerin entre en se déchaussant, en souvenir du commandement de Dieu à Moïse : " Ote les sandales de tes pieds, car l'endroit où tu te trouves est saint ". Fait inhabituel, l'autel n'est pas érigé au-dessus de reliques, mais sur les racines du Buisson. Dans l'abside, la mosaïque de la Transfiguration est la plus ancienne de l'Orient. Quant au buisson, il pousse toujours à quelques mètres de la chapelle où il a été transporté. C'est le seul buisson de son espèce dans la péninsule du Sinaï.

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   Le monastère Sainte Catherine  A droite du monastère, le jardin des moines


  

      Le monastère   Vue du Mont Sinaï ou Mont Moïse