Louis Béroud, Mona Lisa au Louvre
Des chefs-d'œuvre peuplent les plus grands musées du monde. Mais comment exposer, au vu et su de tous, les œuvres originales d'artistes, a fortiori de peintres, pesant quelques millions d'euros ? Au-delà de questions de conservation rendant le transit de peintures trop fragiles quasiment impossible, se pose la question des assurances en cas de détérioration de l'objet... ou de vol. Mais qui peut assurer un Picasso à 75 million d'euros (cf. article du 22 mars 2010) ? Ou plutôt, qui voudrait prendre un tel risque ? Face à des œuvres uniques, donc irremplaçables, et à des sommes aussi colossales, les rumeurs vont bon train. Bientôt, les Van Gogh exposés à Orsay ne seraient que des copies. Et la Joconde ? L'idée peut faire sourire : tout cela ne serait que des légendes urbaines... et contemporaines. Loin de là. Revenons en arrière.
Louis Béroud (attribué à), La Joconde.
En août 1911, le peintre Louis Béroud (1852-1930), auquel on attribue aujourd'hui une copie de la Joconde (Christie's, Londres, 11/12/2009, lot 35), vient au Louvre pour travailler à son projet de toile Mona Lisa au Louvre. Béroud a beau regarder : la Joconde n'est plus à côté du Mariage mystique de sainte Catherine par Le Corrège. L'artiste ne peut se tromper ; c'est un habitué des lieux au point d'avoir fourni de multiples vues intérieures du musée. On cherche au service de photographie. Rien. La toile a bel et bien été dérobée la veille. La presse s'enflamme. Une idée presque réconfortante prend le dessus : et si l'œuvre volée était une copie ? Un mois après le vol, le journal Le Gaulois pose ouvertement la question : " En attendant que l'on retrouve le voleur de la Joconde, on s'occupe à discuter si le tableau volé était ou n'était pas l'œuvre authentique de Léonard de Vinci. " Dans le tumulte des conjectures, Charles Coppier (1867-1948), graveur de La Cène (chalcographie du Louvre, n°KM006753), tente de renouer avec la raison dans une lettre envoyée au journal L'Excelsior. Son argumentation se base sur des preuves d'ancienneté de l'œuvre : " le réseau absolument inimitable " des craquelures, comme " l'aurait été l'empreinte de son pouce vivant ". " Ce craquelé ", écrit Coppier, " empreinte du temps sur le panneau, prouve que c'est bien là l'œuvre originale de Vinci. Il laisse apparaître les dessous de pois et de résine chers au grand Florentin et s'étend sur l'œuvre entière [...] Ce panneau ayant 77 centimètres sur 53 centimètres, c'est donc au moins 120,000 repères avec 500,000 combinaisons de croisements [...] qui peuvent servir à démontrer son authenticité, si l'on admet que c'était bien l'œuvre originale qui était au Louvre il y a plus de quarante ans [...] ".
Le 10 décembre 1913, un antiquaire florentin donne l'alerte. Un certain Vincenzo Perugia, vitrier ayant participé aux travaux de mise sous verre d'importants tableaux au Louvre, lui apporte... La Joconde qu'il ramenait à l'Italie.
Adeline Germond,
Historienne d'art, spécialiste du XIXème s.