Virée dans le Médoc dimanche dernier, pour cause de portes ouvertes dans un certain nombre de châteaux. Plus encore que la classique visite des cuviers et des chais, associée à l’exposé plus ou moins passionnant sur le travail de la vigne, la fermentation malolactique et le renouvellement annuel d’un tiers des barriques, plus même que la dégustation du breuvage, c’est bien la rencontre avec les vignerons eux-mêmes qui justifie à elle seule la balade. D’un château Reverdi où on a l’impression d’être de la famille, au château Paloumey où la tchatche de la dame qui nous a reçus avait autrement plus de valeur que les exposés vaguement techniques, c’est généralement un réel plaisir que d’entrer ainsi dans les coulisses du vin. Et, parmi les multiples sujets abordés, nous parlâmes « bouchon » et « goût de bouchon ». Contre ce dernier, les as du marketing ont répondu « plastique » et « capsule vissée en métal ». Pour un vin qui ne se conserve pas, il n’y a pas mort d’homme, mais le « pop » à l’ouverture de la bouteille n’a quand même plus la même gourmandise. Les fabricants de bouchons en liège, les seuls vrais bouchons à vin, ont fait d’énormes progrès qualitatifs, alors pourquoi se priver d’un si merveilleux produit qui conserve le vin sans l’empêcher de respirer ? Parce-que ça coûte des sous, parce-que le « goût de bouchon » ça existe encore un peu (je me souviens ainsi d’un habituel fabuleux chateauneuf-du-pape qui a fini en sauce, la cuisson enlevant ce terrible goût), parce-que la forêt de chênes-lièges fond comme un glacier islandais après éruption volcanique.
Et pourtant, ce chêne-liège n’est pas si exigeant que ça : sol calcaire, soleil, pas de périodes de gelées trop longues. Ça se trouve, non ? Son milieu naturel n’est pas exclusivement méditerranéen, et le milieu océanique lui sied fort bien à des latitudes modérées (44°-45° maxi). L’arbre illustrant cette note a ainsi été pris dans l’immense parc du Château Malleret, toujours dans le Médoc, et il n’était point le seul de son espèce à affirmer ainsi son grand âge au cœur du domaine. Il serait donc urgent de replanter des forêts de chênes-lièges, qui, outre l’intérêt gustatif pour les vins de garde (et même pour les autres), présente des atouts économiques et écologiques.
C’est donc, vous le savez, son écorce qui fait le bouchon ; elle a belle allure, non ?
Et pour transformer l’écorce en bouchons, il faut du monde, ça ne s’improvise pas. Des dizaines de milliers de personnes en vivent sur le Bassin Méditerranéen. C’est aussi, comme toute forêt, un réservoir de biodiversité. On peut citer en exemple le lynx, qui y trouve refuge, or c’est une espèce en voie de disparition qu’il est urgent de préserver. Sans parler des bienfaits des forêts en général dans la captation de CO2. Une récente émission d’Arte (le magazine Global, en l’occurrence) en a parlé il y a quelques semaines, lançant un véritable appel pour la re-plantation des forêts de chênes-lièges, celle-ci ne pouvant se faire que si la demande en bouchons de qualité reste soutenue. Amis viticulteurs, à vous de jouer !