Cet article m'a été proposé par Loïck, déjà auteur de deux tribunes (1,2) sur Criticus.
Les catholiques veulent-ils se suicider ? En refusant d'aller prêcher, en en restant au « témoignage » ou en se tenant au chaud dans leur milieu, n'ont-ils pas renoncé à leur vocation ? Comment se fait-il que lorsque le pape Benoît XVI est venu en France, en septembre 2008, il a pu remplir toute l'esplanade des Invalides de catholiques gais et actifs, et qu'on ne voit jamais ces mêmes personnes lorsqu'il y a des tensions en banlieue (pourquoi ne sortiraient-elles pas en force dans les rues pour dire « stop » ?), ou même simplement pour prêcher dans la ville ?
Les catholiques français, refusant tout prosélytisme, semblent se résigner à mourir sans même combattre. L'attitude purement défensive et geignarde n'est pas du véritable christianisme, mais un repli confortable et qui peut être soupçonné d'égoïsme spirituel. Le véritable catholicisme implique une volonté de conversion, de combat spirituel et même physique face aux agressions civilisationnelles, comme durent le faire les Croisés. C'est du moins ce que semblent dire les Nouveaux Catholiques, très peu nombreux mais qui voudraient ressusciter, sous la forme moderne, un Ordre prêcheur digne de ce nom.
Voici ma rencontre surprenante avec eux, l'été dernier :
Un soir de juillet 2009, j'arrive Gare Saint-Lazare et un étrange attroupement attire mon attention. Je m'approche, il y a là un petit groupe d'hommes et de filles habillés de façon bizarre, certains semblent comme des moines du temps passé, des vêtements médiévaux, seraient-ce des acteurs ? des troubadours venus d'un autre temps ? C'est bariolé, gai, très vivant. Ils sont jeunes, assez athlétiques, les filles semblent sportives, vives, enjouées et elles sont plutôt mignonnes, il y a une grande croix parmi eux. Ils distribuent des tracts, discutent avec les passants. Marrant tout ça!
- Qui êtes-vous ?, leur demandé-je.
- Les Nouveaux Catholiques, me répondent-ils.
- Vous ne seriez pas un peu scouts sur les bords ?
- Regardez-nous bien, on a l'air de scouts ? On n'a pas leurs uniformes, ni tout ce qui de près ou de loin fleure la ringardise provinciale et désuète. Nous sommes résolument futuristes, passionnés de sciences, de philosophie, intéressés par toutes les cultures, et assez implacables dans notre résolution. Nous voulons sauver le monde, pas seulement être gentils et prier.
Là, je m'esclaffe :
- Euh, l'Église, futuriste?
- Vous savez, de leur temps, tous les grands Docteurs étaient à la page, l'Église s'intéressait à la fine pointe de la philosophie ou des méthodes pédagogiques. L'Église doit utiliser les moyens les plus avancés pour faire passer le message, sans renier son âme.
- Et que faîtes-vous devant cette gare, en plein mois de juillet?
- À votre avis, que ferait aujourd'hui saint Dominique ? Ce que nous faisons nous-même ! Nous sommes venus discuter avec vous, de l'existence de Dieu, du sens de la vie, du devenir de notre société.
- Tiens, c'est intéressant. Et quel est votre but ?
- Vous convertir, puisque notre religion est la vraie et qu'elle permet le salut des âmes et celui de la société.
- Bizarre quand même ! Mais intéressant. Vous êtes formés ?
- Oui, bien sûr. Vous pouvez venir si vous voulez. Pendant l'année, nous pratiquons l'argumentation, nous étudions les arguments de nos principaux types de contradicteurs, les athées bien sûr, les sceptiques rigolards, les musulmans avec leurs propres dogmes et l'histoire de l'islam, et même le bouddhisme ; nous étudions les réponses et objections possibles à la philosophie chrétienne. Nous avons des cours sur l'économie, l'écologie, pour essayer d'imaginer la société future, et des réponses aux crises qui se pointent. L'Histoire des grandes réalisations de l'Occident et de la Chrétienté nous tient aussi à cœur.
- Oui, tout cela c'est de l'idéologie. En tant que chrétien, vous devriez plutôt aider les pauvres...
Il semble vaguement ironique :
- Ah oui, faire du social. Mais nous en faisons, ce qu'il faut. En attendant, le désert spirituel guette l'Europe, et nous en avons assez de n'être interrogés que sur les mœurs, l'homosexualité ou l'IVG. Nous portons une vision du monde, une réponse à la crise globale de civilisation, nous voulons montrer que l'Occident a une vocation, chrétienne, doit assumer fièrement son héritage passé et proposer un chemin futur. La mission de tout catholique cohérent est de montrer la supériorité de l'Occident judéo-chrétien, sa grandeur et sa beauté. Sinon, si c'est pour faire sans arrêt de la repentance et larmoyer, pourquoi rester catholique? Autant cesser de croire, devenir musulman ou athée... Non?
- Euh, l'Occident chrétien ! Vous y allez fort, là ! Et si des extrémistes de gauche veulent venir vous casser la gueule ?
- Ils sont les bienvenus pour discuter. S'ils veulent autre chose, nous n'avons pas pour coutume de tendre la joue gauche. Nous sommes aussi formés aux sports de combat, filles et garçons. Assez intensivement. Nous renouons avec la tradition des Moines Guerriers, que voulez-vous !
- Eh, l'Évangile commande d'aimer ses ennemis. Vous êtes bizarres, comme chrétiens, non ?
- L'Évangile me commande d'aimer mes ennemis personnels, ceux qui m'ont fait du tort. Par définition, les chevaliers contrecarraient les personnes qui venaient brutaliser la veuve et l'orphelin, ou empêcher un pèlerinage. Nous poursuivons leur tradition combattante.
- Alors j'ai compris ! Tout votre blabla cache mal la triste réalité : vous êtes d'extrême-droite. Des disciples de Monseigneur Lefebvre et compagnie!
- Mais non. Nous reconnaissons Vatican II, nous ne sommes pas racistes, et nous apprécions Israël. Vous voyez ces Noirs, ces Africains, ces Asiatiques, ces Maghrébins, avec nous. Nous sommes chrétiens, ce qui veut dire que nous sommes rebelles contre les idoles marchandes, les aliénations, le culte du fric, tant les fausses valeurs de « droite » que de « gauche ». Nous aimons la grandeur, la droiture, la bonté, et la force spirituelle.
- Euh quand même... L'Église, c'est ringard, non ? Face aux médias, aux amuseurs, que voulez-vous faire ? Face au ricanement, ce signe de supériorité désabusée de l'époque.
- L'époque se casse la gueule ; attendez que la crise s'aggrave, attendez qu'il y ait un climat de guerre civile. Vous verrez les gens rechercher le message et la force de l'Église et du Christ. Nous serons là.
- Voui, je doute que tout le monde se mette à la chasteté et aux messes, même rénovées avec des chanteurs à guitare.
- Nous méprisons les chanteurs à guitare. Nous faisons du chant grégorien, et ne négligeons pas des formes de musiques gothiques, des arrangements sobres à l'orgue avec des chœurs, bien sûr sans l'aspect noir, voire satanique du gothique. Nous sommes pour un art chrétien modernisé, puissant, viril, prenant.
- Eh bien, si j'avais su que des gens comme vous existaient ! Vous êtes nombreux ?
- On commence. Nous sommes très peu nombreux. Comme les Apôtres. Nous allons rechristianiser ce monde, et ce ne sera ni triste, ni ringard. De grandes choses nous attendent...
Le récit précédent est-il une rêverie, ou un souvenir du futur ? C'est à chaque chrétien de s'interroger aujourd'hui en conscience, et de se demander s'il n'est pas temps de se lever.
Loïck