La vie politique française nous offre une visage assez peu reluisant aujourd'hui. L'abstentionnisme est là pour nous rappeler cette distance qui s'installe entre le citoyen et le politique. Gauche, centre et droite, il n'y a pas vraiment de quoi s'enthousiasmer. Il faut bien du courage à qui souhaite s'engager dans cet univers, peut-être même un brin de masochisme quand on en a goûté l'âpreté.
Un nouveau souffle est nécessaire. Ce n'est pas en restant tranquillement dans son coin et en se disant "je laisse ça à d'autres" que l'on peut faire bouger les choses. C'est lorsque chacun apporte sa pierre à l'édifice que la construction avance. Il est une phrase de Fernando PESSOA que j'aime assez : "Celui qui refuse d'engager le combat n'y est pas vaincu. Mais il est vaincu moralement parce qu'il ne s'est pas battu".
Le plus désolant est le no man's land qu'est devenu l'espace centriste. La multiplication des mouvances s'en réclamant, tant sur le plan national que local, est un véritable gâchis.
En 2007, François BAYROU a réussi à donner à cette sensibilité une véritable place au sein de l'échiquier politique français. Il n'a pas su exploiter cet élan pour inscrire ce mouvement sur la durée.
Il est indéniable qu'il n'est pas le seul responsable de la situation. La posture prise par le candidat de l'UDF ne pouvait tenir qu'en cas de réussite de son pari. Ce ne fût pas le cas et la machine s'est enclenchée avec le résultat que l'on connaît. La nature humaine est ainsi faite. Les portefeuilles ministériels sont toujours alléchants pour l'homme politique, cette fois encore les sirènes dorées ont su jouer leur rôle. L'approche des législatives avait aussi de quoi précipiter les départs.
Mais à la réflexion, il ne faut pas jeter la pierre à ceux qui ont quitté François BAYROU dès le premier tour de l'élection présidentielle passé. Par tradition, l'UDF à toujours était proche de la droite et donc de l'UMP. Certains ont pu sentir par avance le virage à gauche que nous allions prendre. Il faut éviter de tout réduire à une question de carrière.
François BAYROU résume l'UMP à Nicolas Sarkozy. Si j'étais dès le début favorable à une indépendance de l'UDF, préférable au suivi systématique du parti majoritaire, l'on ne peut faire de tels raccourcis et jeter tout le monde dans le même sac. L'ambition présidentielle du chef du MoDem oblitère pour lui toutes autres considérations. Quant à ses conseillers... ma foi, si j'avais un seul conseil, qu'il les renvoie à leurs pénates. Tout particulièrement celle qui occupe la première place de cette équipe peu efficace.
J'ai l'impression que François BAYROU s'imagine en nouveau François MITTERAND, venant de la droite et faisant la conquête de la gauche pour parvenir à la magistrature suprême. S'il s'en défend, mollement, son Mouvement Démocrate à bel et bien quitté l'orbite centriste pour se glisser dans celui de la gauche. Ce parti comprend des centristes, mais il ne représente plus lui-même cette famille de pensée. Marièle DE SARNEZ la main dans la main avec Robert HUE pour cosigner des invitations pour des réunions communes... voilà une image plus qu'éloquente.
Les chapelles se sont multipliées au rythme des querelles de clochers. On a vu naître le Nouveau Centre, l'Alliance Centriste de Jean ARTHUIS et je passe sur les partis et associations locales.
Aujourd'hui, le Nouveau Centre s'est semble-t-il rendu compte qu'il ne peut rester satellisé par l'UMP et montre les dents pour pouvoir s'assurer un semblant d'existence. Il appelle au rassemblement de la diaspora centriste et à la présentation d'un candidat aux élections présidentielles de 2012. Il en fallu du temps pour cette prise de conscience !
Jean-Louis BORLOO du Parti Radical s'est également déclaré favorable à la réunification de ce courant. Il y ajoute l'inévitable touche écologiste. Il faut dire que cela ne mange pas de pain et que tout le monde veut se déclarer d'une fibre verte en ce moment. J'ai même pu entendre le candidat du Front National en Alsace se baptiser l'écolo du FN lors du débat DNA à Sélestat... C'est dire si la question l'environnement est devenu centrale ! Au moins pour la pêche aux voix.
Pour en revenir à nos moutons et au rassemblement dans la bergerie, je dis oui au principe. Les premiers pas ont été réalisés entre le Nouveau Centre et l'Alliance Centriste.
Mais...
L'on voit déjà apparaître les premiers couacs. Ah les centristes... Ils ne changent guère, les bonnes volontés se heurtent aussitôt au passif et aux ambitions. Jean ARTHUIS expliquait déjà la semaine dernière dans Ouest France que le candidat à la présidence de la République ne pouvait sortir des rangs des membres du gouvernement. Donc pour lui... exit MORIN et BORLOO. Nos deux ministres eux voient chacun le berger du centre... chaque matin dans le miroir, de là à dire qu'ils se rasent en y pensant... Je n'oserais pas.
Quant à la crise d'adolescence du Nouveau Centre, comment la prendre au sérieux ? Ses velléités d'indépendance sont apparues aux municipales, aux européennes, aux régionales. Le résultat fût toujours le même, on reste au bercail. Au bout d'un moment, cela ne prend plus.
L'agitation qui se fait jour découle selon moi de la prévision d'un remaniement ministériel et de l'espoir de quelques-uns de se voir décrocher Matignon. Au passage, les centristes ne sont pas les seuls. Les manœuvres d'Alain JUPPE et ses déclarations sur la présidentielle de 2012 n'ont pour moi d'autres objectifs que d'attirer l'attention pour un retour gouvernemental.
A mon sens le rassemblement centriste ne conduira à rien. En admettant qu'il se concrétise, malgré les avanies prévisibles, il se heurtera à un écueil évident. Aucun des protagonistes n'est doté de la stature, du charisme ou de l'envie nécessaire à porter une candidature à l'élection présidentielle. D'autant que François BAYROU n'est pas encore totalement mort, même si...
Le choix d'une mouvance politique est parfois compliqué. Les lignes de clivages idéologiques sont devenues souvent difficiles à définir. Surtout pour le centriste ! Il trouve ses compatriotes partout et chacun est capable de justifier son choix à sa façon ! ( même dans le groupe socialiste à la région Alsace, c'est dire...). Il faut prendre en compte les situations nationales et locales. L'un et l'autre peuvent pousser dans des sens différents. Mais j'estime aujourd'hui que c'est l'élection présidentielle qui est à prendre en compte.
Cette échéance est structurante dans notre vie politique. Le contexte actuel nécessite de porter un, ou une candidate qui soit à même de proposer un réel projet pour la France. Au demeurant, le diagnostic émis en 2007 de François BAYROU n'est pas tout à fait faux, nous avons besoin de tous le monde. Je ne jette pas non plus tout à fait aux orties l'idée d'ouverture par Nicolas SARKOZY ( je ne vois cependant guère quelle est la plus-value de ses prises de guerre, hormis Martin HIRSCH qui a instauré le RSA, Bernard KOUCHNER ou Eric BESSON en sont réduits à faire figure de simples exécutants ), nous avons besoin de toutes les bonnes volontés pour affronter les défis à venir. Ce prétendant à l'Elysée doit pouvoir créer une dynamique et inspirer une certaine envie de politique. Antoine de Saint-Exupery décrit bien la chose lorsqu'il écrit : "Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et tes femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose... Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le coeur de tes hommes et femmes le désir de la mer".
La France a aujourd'hui besoin de l'émergence d'un parti mené par un leader qui soit capable de rassembler des sensibilités politiques différentes. J'ai longtemps pensé que le MoDem et François BAYROU pouvaient tenir ce rôle, j'ai aujourd'hui déchanté. Nous sommes nombreux dans ce cas.
Je me considère comme centriste, mais devant l'offre actuelle que propose cette famille de pensée, il est évident que je n'opterais ni pour le Nouveau Centre ni pour l'Alliance Centriste. Localement se serait envisageable, mais cela ne me séduit pas particulièrement.
Ainsi, je m'investirais pour un mouvement compatible avec l'idée que je me fais du centre. Mais son chef de file et son orientation globale n'ont pas nécessairement à être issus du sérail centriste. Les différentes structures ne sont pas capables de sortir de leurs luttes pour l'heure. Il faut donc s'ouvrir à d'autres horizons, tout en restant soi-même.