Stéphanie Filion & Isabelle Décarie
Le Marchand de feuilles
424 pages
Résumé:
A travers les saisons inversées et les lunes à l'envers, une amitié épistolaire Nord-Sud avance et se déchire entre Montréal et Sao Paulo. Dans ce roman almanach, le quotidien, avec ses petits incidents et ses grands événements, se fraie un chemin entre les citronniers brésiliens et les pivoines nordiques. Sont amassés au fil des jours : une recette pour se faire un bain, un jonc en or coincé au doigt d'un enfant, un voyage au pays du blues, un voisin serbe. Deux femmes nous ouvrent leurs correspondances et leur imaginaire, mais leur amitié résistera-t-elle à l'éloignement? Carnet de route, éphéméride, almanach, journal intime, roman épistolaire, ce livre prend des formes multiples. On y découvre des hérons avec des ailes immenses, comme de grands draps qui claquent au vent, et l'on se demande si le bruit de la pluie dans les saules peut être suffisant pour le bonheur.
Mon commentaire:
Ma rencontre avec ce livre s'est faite plutôt par hasard. Je n'en avais jamais entendu parlé. Il me semble aussi qu'il est plutôt passé inaperçu à sa sortie et c'est bien dommage. Je déballais des boîtes de livres reçues de notre échange à la bibliothèque quand je suis tombé dessus. J'ai aimé la couverture, les premières lignes et ce mot "almanach" du titre. J'ai eu envie de le lire.
Construit comme une série de lettres adressées l'une à l'autre, les échanges de Stéphanie et d'Isabelle sur leurs vies sont très intéressantes à lire. J'ai choisis de lire ce livre, non pas d'une traite, mais plutôt en grapillant quelques lettres chaque jour et en y revenant, pour conserver le rythme d'une lecture épistolaire. Le roman est divisé en quatre saisons qui couvrent une année. Les filles s'écrivent des bribes de leur vie, sorte d'éphéméride des petites et grandes choses qui construisent le quotidien.
Les exils de leurs vies sont principalement ces départs et ces arrivées, ces voyages et ces fuites. Isabelle vit à Sao Paulo, Stéphanie vit à Montréal. Elles organisent leurs vies autour de cette amitié, à distance la plupart du temps. Sauf quand Isabelle revient au pays ou que les filles décident de se retrouver quelque part, à Montréal ou à Paris, avec des amis.
La quatrième de couverture dit: "L'almanach des exils redonne son lustre au quotidien". Et c'est exactement l'impression que j'ai eu en le lisant. Les toutes petites choses de nos vies, la routine, la vie familiale, amicale et amoureuse, le travail, les petits soucis, les grands plaisirs, L'almanach redonne aux choses de la vie la place qui leur est dûe. On entre dans cette correspondance comme si on connaissait les auteures et on les quitte un peu à regret. J'ai beaucoup aimé l'idée d'un almanach du quotidien, qui recense des réflexions, des faits, des notes, des menus, des bribes de chansons, une image des mers lunaires, une recette pour un bain chaud miraculeux après une marche sous la pluie, une carte d'un road trip aux États-Unis, des commentaires sur des livres, des films, des idées pour s'occuper au chalet, des réflexions sur les enfants, la famille, le couple, la température, bref un recueil de vie. Et d'amitié. Car c'est elle qui est à la base du volume.
Un très beau roman, inattendu, que j'ai pris plaisir à lire et découvrir.
Quelques extraits:
"Depuis ton départ pour le Brésil, il y a six ans, je n'ai de cesse de chercher la façon de retrouver ce quotidien si intimement tissé que nous partagions. Je me demande souvent combien de temps l'amitié peut survivre dans l'absence. Chaque année qui passe me rassure, Isabelle, mais chaque année loin de toi creuse en moi de nouveaux doutes sur l'année à venir. C'est pourquoi j'aimerais passer ces quatre prochaines saisons près de toi, ici, dans les mots de cet almanach. Qu'en penses-tu?" p.10
"Je lis beaucoup depuis quelques semaines. Boulimique, j'avale presque un livre par jour, j'en mène plusieurs de front. Janvier semble avoir été inventé pour les lecteurs, il n'y a rien d'autre à faire que de se blottir sous une couverture et alterner lecture, notes et sieste. À cela on peut ajouter boire du thé, manger des biscuits ou tout autre aliment qui craque et, bien sûr, regarder par la fenêtre." p.264