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Vous allez finir par croire que j'ai un mauvais fond. Que je suis une espèce de fouille merde qui se complaît dans la critique facile et la dénonciation tout azimut. Que je vois le mal partout en quelque sorte. Et c'est vrai qu'il n'y a rien de tel pour me faire sortir d'un silence un poil prolongé qu'un bon vieux coup de sang.
Du genre de ceux que je ressens face au plagiat par exemple. Le plagiat graphique qui devient monnaie courante dans notre monde où l'image emporte pourtant une part toujours croissante de notre attention, le plagiat qui finit par passer inaperçu tant il est vrai qu'à force de consommer de l'image à tout bout de champ on finit par ne plus même les regarder, le plagiat pour ainsi dire excusé d'avance au nom de la culture du sampling qui y est pourtant foncièrement étrangère, le plagiat jamais puni parce qu'on ne prend plus même la peine de le dénoncer et de l'attaquer tant il est généralisé.
Il se trouve que, pour une raison touchant plus à mes goûts vestimentaires qu'aux sujets qui nous intéressent généralement ici, je suis abonné à la newsletter de la marque Fred Perry. En fait je ne sais pas trop pourquoi je m'y suis abonné à cette lettre d'infos : c'est vrai quoi, c'est pas parce que j'aime bien leurs polos à couronne de laurier et à col rayé que j'ai pour autant envie de lire leur propagande commerciale. De ce fait la newsletter Fred Perry fait partie de ces mails, beaucoup trop nombreux, que je supprime chaque matin sans même prendre la peine de vérifier leur contenu. Alors qu'il y a quelques jours je m'apprêtais ainsi à liquider d'un simple clic un message intitulé "Win Festival Tickets", j'ai cependant suspendu mon geste en croyant reconnaître sur le dit mail le style d'un graphiste que j'apprécie. "Tiens, me suis-je dit, Superdeux vient de décrocher un nouveau contrat".
L'union de certaines nuances de cyan et de magenta associées à une typo :
la signature Superdeux
Sauf que cette hypothèse à peine émise, j'ai ressenti comme une gêne. Je sais bien que quand un graphiste se retrouve sous contrat avec un client il est parfois obligé de faire des concessions, d'arrondir les angles de son style pour mieux le mettre au service d'un produit ou d'une campagne, de l'adapter à son objet tout simplement. Oui je sais bien tout cela. Mais là ça ne collait toujours pas.
L'image que j'avais devant les yeux - une pub faisant état d'un partenariat entre la marque Fred Perry et le festival de musique Dot to Dot - ne fonctionnait pas. Ou plutôt elle ne fonctionnait pas en tant qu'image dont Superdeux aurait été l'auteur. Certes on reconnaissait bien là le style de typo que le graphiste lillois aujourd'hui expatrié affectionne tant, son goût pour les phylactère bien ronds bien dodus, et puis surtout bien entendu sa manière de représenter de manière ludique et sonique le matériel propre au monde de la musique dont il est par ailleurs partie prenante. Last but not least, l'utilisation qui est faite sur ce visuel de certaines nuances de cyan et de mangenta que Superdeux associe systématiquement depuis des années faisait pour ainsi dire office de signature. Certes.
Dernière incarnation de l'univers graphico-musical de Superdeux :
le jouet Auto (Artoyz originals)
Sauf que la typo c'était ça sans vraiment l'être... Et puis surtout je ne réussissais pas à imaginer Superdeux utiliser une telle trame en arrière plan, pas plus d'ailleurs que je ne pouvais me résoudre à le voir dessiner un tel micro avec de tels onglets scotchés sur un tel pied. Ca tient à peu de chose parfois le style non ?
Pour en avoir le coeur net j'ai donc cherché une signature sur le visuel incriminé. En vain. Je suis allé chercher l'info sur le site de la marque. Sans plus de succès. Et me suis donc résolu à interroger directement Superdeux... qui m'a confirmé ne pas connaître cette image et à plus forte raison ne pas en être l'auteur. Un nouveau cas de plagiat donc, un nouveau cas de plagiat qui comme tant d'autres restera certainement impuni, mais un nouveau cas de plagiat que j'aurais au moins la satisfaction de savoir dénoncé.
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