Personnage à part sur la scène indé, Scout Niblett l’est indéniablement. Là ou ses consœurs ont choisi massivement le folk délicat comme moyen d’expression, l’Anglaise a depuis ses débuts tracé sa voie sur des territoires plus escarpés, des terrains de jeux où les femmes ne sont pas légion. Un temps comparée à PJ Harvey ou à Cat Power (notamment sur son précédent album), c’est pourtant plutôt du côté du blues et du grunge qu’il faut chercher pour trouver une réelle ressemblance avec la musique de Scout. L’Anglaise s’est en effet installée dans l’Oregon, à Portland, non loin de Seattle, une ville à jamais marquée du sceau du grunge et des années Nirvana. Elle y a prit comme mentor un certain Steve Albini, membre de Shellac mais surtout l’un des plus célèbres producteurs indés et notamment de tout ce qui a tendance à faire du bruit (Pixies, Nirvana, Jon Spencer Blues Explosion, Mclusky…).
Après avoir connu un certain succès critique avec « This Fool Can Die Now« , son album le plus folk dans l’âme, ponctué de superbes duos avec Will Oldham, Scout Nibblett (de son vrai nom Emma Louise Niblett) a décidé de passer sa musique à la moulinette ou plutôt à la purification par le feu comme le laisse entendre le titre et la pochette de ce « The Calcination of Scout Niblett« . L’Anglaise est revenue à un son beaucoup plus épuré, plus brut, sale, minimaliste. Une guitare, une voix (et quelle voix) et une batterie de passage, rien de superflu ne doit subsister. On pouvait donc craindre que ce vœu de pauvreté ne rejaillisse sur la qualité de son sixième album mais rassurez-vous il n’en est rien. L’ascétisme n’est que de façade.
Cela commence souvent par une guitare qui semble un peu perdue toute seule voire un larsen qui semble hurler à la lune (Just Do It ; Cherry Cheek Bomb), puis la voix de Scout entre en scène, calme, chuchotante, déchirante. La batterie, quoique discrète, joue à fond son rôle de catalyseur lorsqu’elle déboule sans crier gare (Ripe With Life). On pense effectivement à PJ Harvey (Calcination) pour l’alternance calme/bruit, à Karen O aussi un peu pour les miaulements (Bargin) et à Kurt Cobain, beaucoup, pour tout le reste et notamment cette folie qui semble suinter de tous les pores de la musique de Scout Niblett. On la sent présente même si relativement discrète, tapie dans l’ombre, prête à surgir à n’importe quel moment, à l’image de celle qui régnait sur la petite ville de Twin Peaks chère à David Lynch.
Avec ce nouvel album, Scout Niblett prouve une fois de plus qu’elle n’a que faire des modes, des flonflons et des paillettes. L’Anglaise trace sa route, certes pas toujours rectiligne, mais avec un aplomb qui inspire le respect.
Chronique écrite pour Indiepoprock.
D’autres avis chez Mmarsup, Arbobo et Sfar qui avait comme toujours une Scout d’avance.