Au pays des films à gros budget, Luc Besson revient plus inspiré que jamais. Son adaptation des Aventures Extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec respire la fraîcheur, la bonne humeur et l’originalité… loin de la surabondance de moyens redoutée.
Dans la presse ou sur le net, les critiques du nouveau film de Luc Besson incitent au rapprochement avec quelques uns des plus grands succès du cinéma dit “populaire”. Adèle Blanc-Sec serait un salmigondi de Fabuleux Destin d’Amélie Poulain et d’Indiana Jones, assaisonné de La Nuit au Musée et de La Momie. Pourquoi pas. Le Paris en sépia très carte postale et les gueules à la Jean-Pierre Jeunet, tout comme l’exotisme facile égyptien et les rebondissements en cascade forment des ingrédients clés du divertissement simple et réussi. Mais convoquer tant de références ne suffit pas à expliquer ce qui, au final, se révèle être une agréable réussite.
Le rapprochement de Luc Besson avec Jean-Pierre Jeunet reste malgré tout intéressant. Au-delà de certaines similitudes visuelles entre cette adaptation de la bande-dessinée de Tardi et l’univers du réalisateur de Delicatessen, les deux hommes comptent parmi les trop rares cinéastes de l’hexagone désireux de magnifier le monde à l’écran. Loin de l’esthétique entre gris clair et gris foncé de la plupart des films français, leur cinéma se regarde avant de se penser. Historiquement parlant, ce “spectacle pour les yeux” fut très tôt l’apanage d’Hollywood, si bien qu’encore de nos jours, un film tel Adèle Blanc Sec risque d’être immédiatement catalogué dans le rayon des blockbusters sans âme – il faut dire qu’avec une production EuropaCorp, on n’en attendait pas forcément mieux. A tort.
Avec son budget de 30 millions d’euros, Luc Besson aurait facilement pu investir dans des scènes d’action interminables et en surplus à gerber d’effets spéciaux. Surprise : malgré de nombreux moyens techniques mis en œuvre, Adèle Blanc-Sec reste simple, humble, et presque intimiste. Alchimie des genres entre aventures et fantastique, le film demeure essentiellement guidé par les ressorts de la comédie, et c’est sur ce point qu’il est réussi. Le ptérodactyle (tout droit sorti de Jurassic Park) amuse plus qu’il ne terrorise. Devant une galerie de grossiers personnages bien caricaturaux de la Belle Époque et un scénario volontairement emberlificoté, le rire guette souvent : ce moteur insuffle une fraîcheur inattendue et une liberté de ton plaisante : l’imaginaire et la fantaisie y prennent dignement leur place.
Quand il s’agit de gagner en profondeur ou en enjeu dramatique, la machine hésite cependant beaucoup plus, découvrant certaines faiblesses de narration et de mise en scène. A l’image peut-être de l’interprétation de Louise Bourgoin : sa froideur et ses répliques 2nd degré ne sonnent pas toujours juste. De même, Besson n’évite pas quelques rebondissements trop convenus et un certain manque de rythme dans une séquence égyptienne assez inutile, heureusement située dans la première moitié du film. Mais dans le fond, l’essentiel n’est pas là. Derrière ses références multiples au cinéma américain, Adèle Blanc-Sec réconcilie l’expérimentation d’un ton décomplexé et la réalisation d’un rêve de gosse. A L’heure où le cinéma à gros budget souffre d’un académisme édifiant déguisé derrière la soi-disant innovation artistique de la 3D, le nouveau film de Luc Besson distille un charme précieux.
En salles le 14 avril 2010
Crédits photos : © EuropaCorp