L’histoire extraordinaire d’une première avant-première
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Ou comment j’ai (presque) rencontré Jenny & Gerry
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"Aujourd’hui mes amis, je ne suis pas peu fière.
Fière d’abord, de mon meilleur pote – cinéphile averti se refusant néanmoins à l’exercice casse-gueule de la critique – qui, en plus d’être fiable, est toujours sur "le" coup et sans qui, pour le coup, je ne serais plus fière du tout.
Fière ensuite, parce que j’ai réalisé trois rêves d’un seul (et toujours le même) coup : assister à une vraie avant-première, à Paris de surcroît, en présence de mon acteur fétiche. Sacré triplé.
Fière enfin, parce que, l’espace de quelques heures, j’ai enfin compris ce que l’on ressentait (du moins, avant de s’en blaser) à une avant-première : la satisfaction d’avoir un train (voire un jet parfois) d’avance sur tous les autres, le sentiment d’être précisément in the place to be, la valorisation égocentrique qui en découle, consciemment ou non, un léger sentiment de supériorité par rapport à ceux qui ne sont pas dans le coup, et, enfin, une sacrée exaltation cinéphilique.
Car j’en ai jalousé, par le passé, des bloggueurs (parisiens surtout, pirates souvent, expatriés de temps en temps) publiant fièrement, parfois des mois avant sa présentation officielle au "grand public", la critique d’un film que j’attends laborieusement depuis déjà si longtemps. J’en ai eu, des accès de rage contenue, à me demander ce que cela faisait d’être la même cinéphile dans une ville multipliant les événements ciné quand, ici, on se borne aux seules manifestations nationales (vive le Printemps du cinéma !) et que ce que nous appelons avant-première n’est rien d’autre qu’une diffusion privilégiée… la veille de la sortie officielle. Alléluia !
Alors oui. J’en ai eu, des velléités de rébellion provinciale…
Mais aujourd’hui, je sais. Je suis entrée dans le saint des saints. J’ai testé. Et tout ce qu’une cinévore de province peut vous en dire, c’est que…
Je m’attendais à faire le pied de grue un bon moment mais non, pas du tout. A peine le temps de profiter du spectacle dans la rue, voici que la file se met en branle. Et, tandis que nous passons devant le parterre où plusieurs photographes attendent de pied ferme, je me dis qu’il est bien dommage que nous rations l’arrivée des comédiens afin de conserver notre belle avance. Nous voici franchissant le "porche" (si l’on peut appeler cela ainsi) et foulant le tapis rouge (minuscule, et recouvert d’une charmante toile en plastique transparent, comme chez mamie) avec un certain plaisir (coupable). Nous voici à l’intérieur…
Même topo que le hall d’entrée, et donc relative déception : une salle en cuvette (les gradins c’est tellement mieux…), des fauteuils ayant bien vécu, un écran standard, une avant-scène… Ok, ça paye pas de mine. Peu importe, nous sommes bien placés : 8ème rang, à 1,50 mètres du couloir qu’ils sont censés emprunter. Au poil ! Et l’attente reprend, fébrile. Tout autour, ça bourdonne. Les gens se placent, se déplacent, tourmentent les ouvreuses qui ne savent pas vraiment où donner de la tête. Les premiers rangs sont blindés. Pourtant, une déficiente visuelle, arrivée sur le tard, remue ciel et terre pour obtenir la meilleure place possible. La responsable de l’événement intervient, les vigiles rappliquent, le directeur du cinéma déboule. La confusion grandit, et l’on ressent nettement que l’instant T est pour bientôt. J’observe du mouvement, dans le fond de la salle, et me morfonds intérieurement : pourquoi ne sommes-nous pas là-bas, à épier la séance photo, comme tous les autres ? Trop tard pour changer de stratégie : une grande blonde sapée comme une actrice remonte l’allée d’un pas conquérant, sourire aux lèvres. Des murmures parcourent l’assemblée : "C’est Jennifer Aniston, ça ? Elle a pris un sacré coup de vieux…". Non, ce n’est pas Jen. C’est… En fait, j’ignore tout bonnement de qui il s’agit. Sans doute une sorte d’attachée de presse ou d’animatrice événementielle. Toujours est-il que, juchée sur ses talons hauts, elle se plante sur la scène, micro à la main, et nous souhaite à tous la bienvenue. Ça y est, on y est.
Je n’ai pas souvenir d’avoir eu une photo de Tennant sous les yeux, même si je sais avoir vu plusieurs de ses films (Grease, Ever After, Hitch…) ou bien cela faisait un loooong moment, parce que lorsqu’il est apparut, j’ai été plutôt déstabilisée par le bonhomme, qui m’a évoqué une certaine caricature américaine du réalisateur "se portant bien" mais pas forcément très à la mode non plus. Disons qu’il en impose, dans un sens. A peine a-t-il le temps d’atteindre la scène que la blonde annonce mon idole, et je rate un battement. Gerard Butler est en approche…
Okay, je vais tâcher de passer sous silence mes débordements de fan absolue pour m’en tenir à l’essentiel. Durant les deux micros secondes qui séparent l’annonce de son
arrivée de son entrée dans la salle, dans ma tête, c’est un véritable brainstorming qui se déchaîne, avec une pensée dominante : en vrai, il doit forcément
Nos trois compères sur scène, la blonde se met en devoir de mener la discussion tout en traduisant – très approximativement – leurs propos. L’enjeu semble simple, et réglé comme du papier à musique : leur laisser un temps de parole unique à chacun. Le micro passe de main en main, successivement, et l’on écoute religieusement les banalités maintes fois répétées dont ils nous gratifient, flatteurs, beaux joueurs (Tennant paraît quand même un rien blasé à côté de ses têtes d’affiche). Là-dessus, tandis que nous goûtons à peine notre chance, la blonde nous remercie encore d’être venu si nombreux, et nous souhaite un bon film… avant de pousser notre trio vers la sortie, qui repart au pas de course, quasi aussi hébété que nous. A peine le temps de les voir s’eclipser et de réaliser ce qui vient de se passer que les lumières s’éteignent, et dans le noir total, le film démarre tout de go.
Abrupt. C’est le mot.
Je reviendrais plus tard sur le film, sur lequel je ne suis pas parvenue à me focaliser immédiatement, ne cessant de ressasser ce à quoi je venais d’assister, et la déception cuisante qui en découlait, plus vivace que la satisfaction d’avoir approché ces trois célébrités.
L’entrevue aura duré, en tout et pour tout, trois minutes montre en main, et n’aura laissé aucune latitude ni aux invités, ni aux spectateurs venus voir leurs idoles (j'ai une pensée pour cette pauvre fille venue avec son coffret de Friends, pensant le faire dédicacer), tant elle s’est cantonnée, de bout en bout, à un pur produit marketing infligé avec fort peu de délicatesse au public, et ajouté sans bien en comprendre la nécéssité au planning promotionnel déjà chargé de l’équipe du film. Après coup, la colère dominait, le malaise aussi. La frustration, d’une part, d’avoir été spoliée dans ce qui devait être un moment unique, et qui m’a parut bien aseptisé. Le malaise d’autre part, d’avoir fait déplacer tout ce beau monde pour si peu, sans grands efforts d’accueil par-dessus le marché, me laissant sur cette amère constatation : une fois de plus, on passe pour des bouffons. Vive la France !
Entre désillusions et rêve (courtissime) éveillé, cette première avant-première s’est révélée enrichissante, tout à la fois grisante et décevante, entre poudre aux yeux et austère réalité, comme un reflet parfait de ce qu’est, au fond, le cinéma : un sacré miroir aux alouettes, nous renvoyant le meilleur, comme le pire."