Jean-Pierre Bellemare Dossier Chronique d’un prisonnier
Au pénitencier nous avons accès aux réunions pour dépendants: toxicomanes, alcooliques, joueurs. C’est là que j’ai rencontré notre rédacteur en chef Raymond ainsi que sa charmante femme Danielle, deux êtres extraordinaires qui «contaminent» l’environnement par leur conscience collective.
Ils sont venus dans ma prison partager leur savoir avec respect et considération. Si le mépris engendre le mépris il en va de même avec la considération. Depuis ce jour, il me fait plaisir de partager avec vous ces bagages de prisons qui s’accumulent un peu plus chaque année.
Lors d’une réunion, un ex-dépendant aux drogues proclamait «il n’y a pas plus de prison sur terre que nous pouvons en retrouver dans l’homme». Après cette révélation, encore toute fraîche dans ma tête, un changement s’est produit, un tournant important dans ma vie. Cette phrase m’a marqué de façon indélébile.
Je regarde maintenant les autres différemment. J’ai compris que, malgré mon incarcération, je suis souvent beaucoup plus libre que certaines personnes de mon entourage. Leur tenue vestimentaire ainsi que leur expression faciale décrivent assez bien à quel point elles sont enfermées. Leurs réactions prévisibles et parfois même leurs propos, montrent leurs limites. Ces frontières qu’elles érigent autour d’elles pour se protéger, les isolent tout autant. Si elles ne peuvent en sortir, les autres ne peuvent y entrer.
Après 20 ans passés au pénitencier fédéral, où en suis-je de mon propre cheminement? Terminer des études, lire, chercher le meilleur de ma vie, mais surtout, me libérer de mes pensées toxiques. M’ouvrir tout doucement en choisissant les gens avec qui je me sentirais bien. Voilà un très grand progrès sur le plan personnel.
Plus je suis attentif à mon entourage, plus je deviens sensible. Par différentes activités, j’ai pu développer mon potentiel et augmenter mon estime personnelle.
Mon implication avec l’organisme de St-Maxime a été ma plus grande réalisation: aider les plus démunis, sortir du pénitencier sous escorte pour se diriger dans un sous-sol d’église, participer à l’organisation d’une soupe populaire, faire la collecte et la distribution des denrées. Aider est la meilleure prise de conscience que j’ai faite.
Voir des gens quémander leur nourriture avec leur famille a été révélateur. Mon orgueil, que j’ai toujours confondu avec ma fierté, devenait insoutenable. Il y avait plus de fierté dans leurs yeux que dans ceux rencontrés au cours de ma vie. Mon cœur se fissura et il en sortit un malaise terrible, un regret. Si j’ai eu suffisamment de courage pour m’attaquer à des banques et à kidnapper, je n’ai jamais eu le courage de demander de l’aide et encore moins de reconnaître mes faiblesses.
Voilà une de ces prisons qui nous enferment dans des comportements, des réflexions et des manières de faire qui limitent nos possibilités. Ce donjon a été conçu par mes faiblesse et résiste à toute raison. Lorsque j’envie ceux qui sont libres, je perds parfois de vue que la véritable liberté ne se trouve pas uniquement dans nos déplacements. Penser et agir autrement, se comporter différemment, fait partie de la liberté.
Dans ma prison, j’ai trouvé le pire juge et il travaille toujours avec le plus salaud des gardiens: ma conscience et ma raison. Celle qui devrait me protéger m’a condamné, celle qui devait m’ouvrir m’a enfermé.
Ma conscience et ma raison se sont construites à travers tous ceux que j’ai côtoyé. Ces gens de passage ont semé une graine qui a poussé. Je n’ai sûrement pas toujours su faire la différence entre le bon et le méchant.
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P.S. Jean-Pierre Bellemare est finaliste aux Grands Prix de journalisme magazine.
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