Si Notre Monarque était une maladie mentale, ce serait la paranoïa.
Tous les symptômes l’attestent, du plus banal au plus inquiétant.
- Il a une très haute idée de lui-même.
- Il supporte mal la contradiction.
- Il se montre extrêmement susceptible.
- Il se sent persécuté en permanence.
Les offenses dont il s’estime victime sont exponentielles :
- Un badaud refuse de le saluer ? C’est un «connard».
- Un autre crie : «Je te vois» ? C’est un délit.
- Des ragots circulent ? C’est un complot.
A la tête d’un pays qui l’a élu, il se méfie de ceux qui le constituent. Tout le monde est suspect :
- Les parents d’être incompétents,
- Les enfants d’être délinquants,
- Les pauvres d’arnaquer les systèmes d’aide,
- Les chômeurs d'être feignants,
- Les chercheurs de se la couler douce dans des labos où «i fait chaud et y’a de la lumière»,
- Les étrangers d’être des terroristes,
- Les écrivains des grandes gueules,
- Les bébés de la mauvaise graine.
France d’en haut ou France d’en bas, c’est Vigipirate à tous les étages.
Même ses amis, parfois, sont des ennemis ou le deviennent : alors il les limoge, il les mute, il les lâche, il les dénonce, il les brime.
Au contraire, ses intimes bénéficient de privilèges régaliens, et leurs villas sont protégées des méchants aux frais du contribuable - le paranoïaque aime à montrer son pouvoir : «Je ne supporte pas qu’on s’en prenne à mes amis parce que ce sont mes amis », résume-t-il dans une belle ambiguïté syntaxique. Ses proches bénéficient de ses largesses, un poste par ci, un cadeau par là, frisant même parfois le népotisme. Mais Le Monarque s'en fout et recommence à son bon vouloir...
L’autocritique, il ne connaît pas. L’autoritarisme, si.
Il dit ce qu’il pense, il fait ce qu’il veut, il emmerde le populo : il n’a pas de devoir de réserve. Mais il a peur de tout ce qui pense, de tout ce qui lui échappe. Il ne veut voir qu’une seule tête, sinon il la coupe, surtout quand elle dépasse la sienne - cela arrive.
Cette maladie ne serait pas si grave si elle n’était terriblement contagieuse, et volontairement propagée. L’ambition du gouvernement semble être de refiler la peur à tout le monde comme on se passe la grippe : il convient de se méfier de son prochain et de se protéger de son voisin.
Le discours sécuritaire exploite à fond les inquiétudes particulières et les tracas individuels. Pour inoculer la peur et déclencher la haine, son symptôme, Le Monarque isole.
La peur divise afin de mieux régner. Elle sépare la société en unités hostiles qui se soupçonnent du pire et s’accusent de tous les maux : par exemple, le parent déteste le prof en grève (qui va garder les enfants ?) mais le prof déteste le parent qui s’immisce (de quoi se mêle-t-il ?).
Quand il parle aux Français, Notre Monarque ne s’adresse pas à des citoyens, mais à des individus, à des personnes privées. Feignant de comprendre leurs peurs, il les alimente, l’idée-force étant de créer «une bonne insécurité». «La peur doit changer de camp», dit son conseiller. Mais la voilà partout.
Il n’y a plus de NOUS, seulement des JE isolés et perdus à qui on peut passer les menottes.
Ces phobocraties font le terreau des dictatures : au début, il n’y a qu’un paranoïaque, puis tout le monde le devient. Alors la peur règne sur un pays plein d’ennemis.
Chacun achète alors une poupée vaudou à l’effigie du Roi, et y plante vite fait des épingles avant qu’elle ne soit interdite.