C’est une bataille de traits sombres rapidement jetés sur les planches ; un bateau qui rentre dans le port et des hommes arrachés à leur vie précédente. Bienvenue en Argentine.
Combien savent qu’ils sont venus en France, reconstruire nos campagnes et nos villes ravagées par les folies de la guerre ? Et combien imaginent que les Italiens sont aussi partis pour l’Amérique du Sud, et se sont arrêtés pour construire une vie en exil, regardant avec tristesse et amertume leur patrie ? Ils participent encore aujourd’hui de l’identité en mouvement de ce pays cosmopolite, à sa culture sans cesse en mouvement. Reste les traits principaux, ceux qui font l’âme d’un pays, et que tout le monde peut s’approprier.
Le tango c’est la force et la beauté de la larme arrachée au corps en suspens ; il fait pourtant figure de danse dépassée aujourd’hui. Dans cette Argentine des années trente, aux mains d’une puissante oligarchie, cet air passe pour être celui des mauvais bars, des endroits tordus. Le groupe du Narigon (Grand Nez), du Gordo (gros), de Conejo (Lapin) et de leurs compères, joue dans les bouges au milieu des putes et des hommes avinés, de bonne ou de mauvaises classes, concentrés à donner corps à leur musique.
Dans les cafés, la journée, ils se retrouvent pour parler paroles et partitions, organisent leurs sorties, et se chambrent en buvant des coups : « Le tango c’est autre chose, c’est plus instinctif… Si on chante comme ça pendant que je danse avec une pépé, ça m’ôte l’envie de baiser ».
Dans leurs pattes un môme gesticule et tend les mains pour qu’on le voit. Il s’appelle Horatio, est le fils d’un anarchiste et d’une femme magnifique, et c’est avec lui qu’on navigue tout le long de cette histoire dans les eaux troubles de l’exil. Grâce au Gordo, qui l’introduit dans le milieu, il construit petit à petit ses envies : devenir musicien et parcourir le monde avec son piano. Les femmes et l’alcool aidant, il s’éloignera progressivement de ce rêve, après avoir connu le succès dans son pays, jusqu’à devenir sa propre antithèse : un homme rangé, travaillant pour une entreprise obscure, loin de tout ce qui l’avait forgé. Loin de lui son pays, les airs de tango et ses amis d’autrefois…
Ce Bandonéon, chronique d’une vie qui commence Bohême et finit bourgeoise, mérite qu’on s’arrête pour le savourer. Des personnages complexes et profondément humains, d’une beauté étrange, peuplent les pages d’un album torturé, d’une histoire au parfum d’ailleurs et d’autrefois. Chargé de la tentative de reconstruction de son passé, Jorgé Gonzalez, qui semble avoir l’exil en héritage, réussit un tour de force avec cette BD hors normes en nous faisant entrevoir les coulisses d’un pays et de ses racines.
Derrière les hommes se dessinent les contours d’un contexte politique lourd, aux accents de lutte des uns contre les autres, et pas forcément des riches contre les pauvres. Cette facilité, Jorgé Gonzalez l’a évité. Comme pas mal d’autres, pour un Bandonéon qui résonnera encore dans votre oreille une fois la dernière page refermée.
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