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Le premier Tournoi d’Échecs de l’ère moderne. Londres 1851.

Publié le 15 avril 2010 par Vinz

Dans l’Histoire des Échecs on peut donner une date qui marque le passage d’une époque à une autre. Si la fin du Moyen Âge est datée de 1453, le début de la période moderne des Échecs est daté précisément du 26 mai 1851, le jour où le tirage au sort du premier tournoi a été effectué. Cette date précède la création de toutes les  grandes compétitions sportives internationales tous sports confondus.

Affiche de l'Exposition Internationale de 1851. A cette occasion les Anglais ont organisé le premier tournoi de l'Histoire des Echecs et un peu plus tard la première édition de la Coupe de l'America.

Affiche de l'Exposition Internationale de 1851. A cette occasion les Anglais ont organisé le premier tournoi de l'Histoire des Echecs et un peu plus tard la première édition de la Coupe de l'America.

Le contexte. Londres 1851.

Le milieu du XIXème siècle est traversé par une double révolution. Industrielle, qui a commencé la fin du XVIIIème siècle en Angleterre et qui s’est étendue à l’Europe au début du XIXème siècle. Le Royaume-Uni, berceau de cette nouvelle civilisation, est la première puissance économique européenne et mondiale. Afin de montrer au grand public les progrès de la technologie, le pays veut organiser une grande exposition internationale qui serait aussi une démonstration de sa suprématie. Cette exposition est organisée au Crystal Palace, situé à Hyde Park.

Le Crystal Palace, situé dans Hyde Park. Lieu de l'Exposition internationale de 1851, c'est aussi le lieu où se dispute le premier tournoi de l'Histoire des Echecs. Oeuvre de Dickinson.

Le Crystal Palace, situé dans Hyde Park. Lieu de l'Exposition internationale de 1851, c'est aussi le lieu où se dispute le premier tournoi de l'Histoire des Echecs. Oeuvre de Dickinson.

L’autre grande révolution est celle des nations, qui se sont soulevées en 1848 contre les monarchies plus ou moins absolues d’Europe. Malgré leur échec global, les consciences ont changé.

C’est dans ce double contexte que s’organise le premier tournoi international d’échecs et même la  Coupe de l’America qui s’est disputée pour la première fois en août 1851 (soit trois mois après).

Une idée ancienne.

L’idée d’un tournoi international n’est pas neuve mais elle n’a jamais été réalisée. Les confrontations entre les meilleurs joueurs consistaient surtout en des duels : ceux entre Ruy Lopez et Leonardo di Bona en 1575, entre le Français Philidor et le Syrien Stamma en 1848 et plus récemment entre le Français Labourdonnais et l’Irlandais McDonnell en 1834-1835 : ces deux derniers ont disputé une série de cinq matches et 85 parties, que la mort de McDonnell interrompit.

Et plus récemment encore, le duel franco-anglais entre Pierre de Saint-Amant et Howard Staunton avait affirmé la supériorité de ce dernier : le premier avait gagné un petit match (3,5 à 2,5) mais le second avait triomphé à Paris à l’hiver 1843 (13-8). Après cette victoire, Londres prit le pas sur Paris comme capitale échiquéenne de l’Europe.

Cette idée avait sérieusement germé au sein de la communauté échiquéenne à la fin des années 1840. Les champions communiquaient entre eux : ainsi Staunton, les Allemands Von der Lasa et Bledow avaient déjà publié en faveur de l’organisation d’une compétition qui rassembleraient les meilleurs joueurs et dont le vainqueur pourrait être désigné comme le champion du monde.

C’est finalement Howard Staunton qui parvint à concrétiser ce projet. Et saisir l’opportunité de la « Great Exhibition » ne pouvait que profiter à ce tournoi. Staunton put réunir la somme de 650 £, somme importante à l’époque, dont 183 seraient versés au vainqueur. Dans son esprit, Staunton pensait évidemment qu’il allait remporter le tournoi, lui qui s’était auto-proclamé « champion du monde » après sa victoire contre Saint-Amant en 1843.

Howard Staunton. Critique littéraire de profession, il est considéré comme le meilleur joueur du monde dans les années 1840. Il contribua activement à organiser le tournoi de Londres en 1851.

Howard Staunton. Critique littéraire de profession, il est considéré comme le meilleur joueur du monde dans les années 1840. Il contribua activement à organiser le tournoi de Londres en 1851.

Les participants et la règle.

Staunton lança l’invitation à 19 autres maîtres européens dont 7 britanniques. Ces joueurs représentaient non pas leur pays mais leur ville de résidence, voire leur cercle, leur club (au sens originel du terme), leur lieu de rassemblement (comme le Café de la Régence à Paris). C’est pourquoi ont été invités aussi des étrangers qui représentent des clubs anglais. De ces invitations, quinze joueurs purent répondre à l’appel. Quelques joueurs étrangers notables étaient absents :

-   Pierre de Saint-Amant s’était progressivement retiré de la compétition. D’autre part, en 1851, il est consul en Californie.

-   Le baron Von der Lasa est en mission diplomatique également.

-   Les Russes Carl Jaenisch et Alexander Petrov, théoriciens connus, ne sont pas arrivés à temps

-   Le Hongrois Vincent Grimm a été exilé en Syrie après sa participation à la Révolution Hongroise de 1848 : il avait fait partie de l’équipe de Pest qui a battu Paris lors d’un match par correspondance entre 1842 et 1846.

Par contre, on avait invité des joueurs dont on se demandait quel était leur niveau réel : c’était en particulier le cas d’un professeur de mathématiques de 33 ans, Adolf Anderssen, qui passait son temps entre Breslau et les cafés de Berlin mais qui était plus connu pour ses compositions que pour son jeu.

Devant les forfaits en nombre, il fallut retenir quatre joueurs supplémentaires pour atteindre les seize prévus.

Compte-tenu de ces modifications, voici la liste par ordre alphabétique : Adolf Anderssen (Berlin), Henry Bird, Alfred Brodie, Bernard Horwitz, E.S. Kennedy, Hugh A. Kennedy, Lionel Kieseritzky (le seul représentant de la France), Edward Löwe, Johann Löwenthal (qui revint précipitamment d’Amérique pour participer au tournoi), Carl Mayet (autre représentant de Berlin avec Anderssen), James Mucklow, Samuel Newham, Howard Staunton, Jósef Szén (Pest), Elijah Williams, Marmaduke Wyvill.

Le tournoi est organisé en système d’élimination directe façon coupe. Il n’existait pas de limite de temps de réflexion : chaque joueur pouvait réfléchir le temps qu’il voulait, ce qui faisait que des parties ont duré plus de dix heures parfois. Cela a souvent provoqué l’irritation des joueurs car on reprochait à ceux qui se perdaient dans leur réflexion de manquer de correction (surtout si c’est réfléchir à un coup forcé ou naturel).

Premier tour.

Pour se qualifier, il fallait remporter deux parties sur trois décidées (c’est-à-dire gagnée par l’un ou l’autre). Le tournoi commença effectivement le 27 mai 1851

Le tirage au sort proposa une affiche au premier tour, un huitième de finale : elle opposa l’Allemand Anderssen au Letton expatrié à Paris Lionel Kieseritzky. Anderssen s’imposa facilement par 2,5 à 0,5. Néanmoins, la partie Immortelle qu’il joua contre le Parisien n’a pas été disputée durant le tournoi mais quelques jours après.

Dans les autres matches, Szén élimina Newham par 2 à 0. Horwitz sortit Bird par 2,5 à 1,5, Staunton battit Brodie, un des plus faibles participants, par 2 à 0. Wyvill contre Löwe et H. Kennedy contre Mayet, Mucklow contre E. Kennedy s’imposèrent sur la même marque. Par contre, la victoire d’Elijah Williams sur Löwenthal est une vraie surprise : 2 à 1 pour l’Anglais.

Deuxième tour.

Nouveau tirage au sort. Cette fois, il faut gagner quatre parties pour se qualifier à partir de ce tour et jusqu’à la finale.

Opposé à l’Allemand Horwitz, Staunton retrouvait là un adversaire qu’il avait battu en match cinq ans plus tôt. L’Anglais perd la première, gagne la deuxième, Horwitz la troisième et Staunton la quatrième. Puis une nulle suit avant que Staunton ne remporte les deux parties suivantes et se qualifie par 4 à 2 et une nulle.

Tombeur du très respecté Löwenthal, Williams confirme sa bonne forme contre Mucklow : il ne lui faut que le minimum pour éliminer son compatriote : 4 parties, 4 victoires dans un style convaincant.

Après avoir éliminé Kieseritzky, Anderssen se voit opposer le Hongrois Szén. L’Allemand gagne la première partie mais l’archiviste de Pest punit les imprudences et les négligences d’Anderssen dans les deux suivantes. Finalement, Anderssen rectifie le tir : il est plus prudent mais pas moins agressif et il remporte les trois parties suivantes et se qualifie par 4 à 2.

Le quatrième duel entre Wyvill et H.A. Kennedy a été de loin le plus indécis. Wyvill s’impose dans la première partie mais Kennedy remporte les deux suivantes. Wyvill égalise à 2-2 puis après une nulle s’incline dans la sixième où il perd une Tour nette dans une position gagnante. Dans la septième, Wyvill se reprend en gagnant rapidement un pion puis un autre par une belle combinaison, puis une Tour au final. Dans la septième, il prend l’avantage assez vite et concrétise par le gain d’une pièce. 4 victoires à 3, plus une nulle et une qualification au forceps.

Demi-finale. Le choc Anderssen-Staunton.

Le tirage au sort proposa l’affiche entre les deux joueurs qui étaient les mieux cotés des quatre joueurs restants. Staunton affronte Anderssen. C’était aussi un duel de joueurs aux styles contrastés. Anderssen s’inscrit dans la lignée de l’école italienne : tout pour l’attaque. Staunton a un jeu nettement moins agressif, qui est davantage tourné vers les manœuvres à long terme.

D’ailleurs ce choix se retrouve déjà dans l’approche du début de la partie. Dans la première, Anderssen oriente son jeu contre le Roi noir de Staunton mais il joue trop précipitamment et Staunton repousse l’attaque des Blancs tout en préparant la sienne. L’Anglais capture un pion en a2 avec sa Dame pendant qu’Anderssen prépare la percée sur la colonne ‘h’. Staunton manque de sang-froid et subit au final l’attaque d’Anderssen : 1-0 pour l’Allemand. Dans la deuxième partie, Staunton impose son style de jeu à Anderssen : la position reste fermée. Celui-là pousse son pion central pour ouvrir le jeu mais s’expose aussi dangereusement. C’est néanmoins une négligence de l’Anglais qui fait basculer la partie. Anderssen contre-attaque contre le Roi blanc et Staunton préfère abandonner plutôt que d’être maté : 2-0.

On peut imaginer la surprise des spectateurs. En fait, il n’y avait pas de spectateurs présents sur le lieu des parties mais les coups étaient régulièrement transmis aux différents clubs londoniens (toutes les demi-heures en moyenne).

Dans la troisième partie, Anderssen construit son attaque contre le roque noir mais il commet une faute qui donne une chance à Staunton de renverser le cours de la partie. Celui-ci rate un coup intermédiaire et Anderssen prend à nouveau le dessus et remporte quelques coups plus tard la partie, 3-0 !

Contraint à l’exploit, Staunton change sa façon de jouer. Il est plus direct dans la quatrième partie avec les Blancs. Anderssen ne joue pas très bien l’ouverture et perd rapidement un pion. Il lance une attaque à l’aile-roi qui échoue devant la solidité de la position blanche. C’est juste après que la comédie des erreurs débute. Staunton pense avoir gagné un peu vite et joue de manière imprécise, ce qui relance Anderssen. Au 29ème coup, Staunton donne un échec avec son Cavalier en f6 mais au lieu de le prendre, l’Allemand joue son Roi et se retrouve mat au coup suivant. 3-1, une victoire heureuse pour Staunton même si la physionomie ne l’a pas rendu illogique.

Dans la cinquième, Staunton joue de manière hétérodoxe pour sortir Anderssen de ses constructions favorites, basées sur l’attaque rapide. Il va même gagner un pion au mépris de son développement et sa position est presque perdue après l’ouverture. Anderssen rate pourtant une combinaison au 19ème coup qu’il aurait pu trouver mais sa position est si forte qu’il finit quand même par la conclure en victoire par un mat au 44ème coup.

La sensation du tournoi. Staunton, le meilleur joueur du monde battu à plates coutures. Le score de 4 à 1 peut paraître sévère au vu des parties c’est vrai mais la victoire d’Anderssen est méritée. Staunton, dans son style littéraire mauvais perdant et arrogant, imputera sa défaite à son état de santé : des problèmes pulmonaires et cardiaques qui l’ont dérangé pendant le tournoi. Mais aussi à la fatigue accumulée par la durée des parties (voir plus haut). C’était surtout un rude coup porté à son ego, lui qui avait organisé le tournoi et qui s’était proclamé le vainqueur avant même le premier coup joué.

L’autre demi-finale Williams-Wyvill était bien évidemment passée inaperçue. Pourtant elle nous donna un de ces scenarii qu’on aime toujours : Williams gagna les trois premières parties : la première après avoir proprement dominé puis sacrifié un Cavalier pour aller mater le Roi noir.  La deuxième est un dur combat de manœuvre avant que Williams n’arrive à trouver la faille à l’aile-roi : 2-0.  Dans la troisième, le Roi noir reste au centre et Williams en tire profit, surtout après une gaffe de Wyvill : 3-0. C’était la huitième victoire d’affilée de Williams dans le tournoi ; personne n’a fait mieux.

Disciple de Staunton, y compris dans les choix d’ouverture, Wyvill va réfuter une attaque prématurée des Noirs dans la quatrième. Il gagne un pion puis un autre et transpose dans une fin de partie sans problème où Williams préfère abandonner avec 3 pions de retard plutôt que continuer un combat d’arrière-garde : 1-3.

Cinquième partie. Là encore, les deux joueurs se livrent à un jeu de manœuvres derrière les chaînes de pions. Il semble néanmoins que Williams soit le mieux placé. Au 22ème coup, il effectue une poussée du pion ‘f’ qui va se révéler malheureuse : Wyvill finit par gagner la Dame mais commet à son tour une erreur que Williams n’exploite pas. Les Noirs ont renversé la partie et gagné finalement au 50ème coup : 2-3.

Dans la sixième partie, Williams prend l’avantage avec les Noirs mais il omet une astucieuse combinaison trouvée par Wyvill qui permet de gagner la dame noire puis la partie quelques coups plus tard : 3-3.

La septième s’inscrit dans le ton du match : des positions bloquées. Mais pour cette partie, c’est Wyvill qui s’en sort le mieux. Williams commet une bourde qui perd une qualité dans une longue combinaison. Wyvill conclue ensuite sans problème et a réussi l’exploit de renverser une situation totalement compromise, de 0-3 à 4-3.

La finale. La consécration d’Anderssen.

Après sa victoire contre Staunton, Anderssen était donné le grand favori d’autant plus que Wyvill avait dû s’employer pour se qualifier. La première partie de la finale est à sens unique : Anderssen attaque le petit roque noir et profite du manque de développement et d’espace des pièces noires pour jouer une petite combinaison qui rapporte une pièce : 1-0 au 26ème coup.

La deuxième partie est d’un ton différent. Wyvill a bien compris qu’il ne fallait pas défier Anderssen sur le terrain du jeu ouvert et il choisit le même style que celui qu’il a utilisé contre Williams : un jeu posé, lent mais sûr. Anderssen cherche lui les complications et la partie tourne à la finale même si les Blancs sont mieux placés avec un pion de plus. Wyvill ne peut gagner cette finale et la partie s’achève par le match nul. 1-0 pour Anderssen.

Troisième partie : avec les noirs, Wyvill préfère une construction plus fermée. Cela lui réussit car Anderssen n’arrive pas à trouver la faille. Les deux joueurs ratent une combinaison difficile à trouver mais qui est favorable aux Blancs. Quoiqu’il en soit, la partie montre qu’Anderssen n’est pas à l’aise dans le jeu fermé et il se fait surprendre par la contre-attaque de Wyvill qui le contraint à abandonner : 1-1.

La quatrième partie pourrait ressembler à du jeu à la Nimzovitch (60 ans avant) pour Anderssen qui a les Noirs. En effet ce dernier manœuvre bien après l’ouverture, contre les pions c3 et c4 blancs. Puis il lance les opérations à l’aile-roi : Wyvill commet l’erreur de laisser son roque s’ouvrir et Anderssen en profite pour lancer une attaque de mat. 27 coups ont suffi pour gagner : 2-1 Anderssen.

La cinquième partie est totalement dominée par Anderssen qui se rue sur le Roi noir alors que Wyvill manque un coup pourtant évident pour lui. La partie s’achève en boucherie avant l’abandon des Noirs au 24ème coup : 3-1 Anderssen.

Sixième partie. Wyvill cherche encore l’inspiration dans les positions fermées mais son jeu est très maladroit. Au contraire, Anderssen prépare encore une attaque contre le Roi qui lui rapporte un pion. Wyvill se défend, parvient à échanger les Dames pour réduire l’ampleur de l’attaque. Anderssen se relâche et c’est Wyvill par un excellent sacrifice de qualité qui reprend l’initiative du jeu. Préférant les Cavaliers aux Fous, l’Allemand néglige la force de ces derniers. Il se fait surprendre et abandonne au 49ème coup lorsqu’il perd une tour. 2-3 pour le côté de  Wyvill.

Septième partie. Anderssen la conclut par une attaque éclair, exploitant plusieurs erreurs de Wyvill en une vingtaine de coups. Un succès bien dans le style du champion allemand.

C’est donc par 4 victoires à 2 et une nulle qu’Anderssen remporte le premier tournoi de l’Histoire des Echecs. Malgré quelques égarements, son succès est totalement mérité. Son style a été apprécié des amateurs. Anderssen resta encore quelques temps à Londres : comme je l’ai écrit plus haut, il bat Kieseritzky dans une partie que ce dernier a surnommé « L’Immortelle ». Vexé, Staunton lança un défi à Anderssen qui ne put répondre car il n’avait pas les fonds nécessaires (en dépit des 183 £ et des poussières gagnés).La réputation du champion allemand sortit grande de ce tournoi. Il était devenu le meilleur joueur du monde, d’Europe tout au moins pendant l’intermède Morphy.

Il y eut des matches de classement : dépité, Staunton perdit contre Williams 4,5 à 3,5. Fatigué des longues réflexions de ces derniers, il n’hésita pas (comme il faisait souvent dans ses chroniques) à se montrer méprisant envers lui en disant : « Je n’aime pas la lenteur dans la médiocrité ». Reste que la quatrième place est un sacré camouflet pour lui.

Pour la cinquième place, le tournoi des quarts de finalistes a été remporté par Szèn, qui écarta Horwitz 4-0 avant de battre Kennedy (qui avait sorti Mucklow 4-0) par 4,5 à 0,5. D’ailleurs,  Mucklow déclara forfait pour le match pour la 7ème place.

Adolf Anderssen (1813-1879). Professeur de mathématiques, pur amateur, l'Allemand de Breslau causa la sensation en remportant le tournoi de 1851, en humiliant Staunton par 4 à 1.

Adolf Anderssen (1813-1879). Professeur de mathématiques, pur amateur, l'Allemand de Breslau causa la sensation en remportant le tournoi de 1851, en humiliant Staunton par 4 à 1.

Anderssen vécut le reste de sa carrière avec le prestige de cette victoire, même au temps des défaites comme en 1857 et 1858. Sa victoire à Londres en 1862 fut un nouveau départ dans sa carrière et après la retraite de Morphy, il était à nouveau considéré comme le meilleur joueur du monde. Par contre, Staunton se retira progressivement du jeu actif, se contentant d’être un chroniqueur. Il refusa d’affronter Morphy en 1858 malgré une promesse accordée à l’Américain, trouvant toutes les excuses possibles pour échapper à la déroute.

Une révolution du jeu.

Ce tournoi a été un succès malgré les difficultés liées à l’organisation. La confrontation entre les meilleurs joueurs avait à la fois créé l’émulation et aussi attiré l’intérêt de la foule. Certes, les duels étaient encore très appréciés (les championnats du monde se déroulent selon le format match) mais cette forme de compétition allait devenir la plus importante dans le monde des Échecs.  Londres 1851 constitue le début d’une nouvelle période car avec l’apparition des tournois c’est le jeu professionnel qui évoluei. Certes il existait déjà : les champions affrontaient les amateurs pour de l’argent ou étaient soutenus par un mécène ; mais avec les tournois, c’est une forme de professionnalisme itinérant, peut-être aussi plus rémunérateur (mais pas beaucoup non plus) et spectaculaire. Un joueur comme Karpov a gagné plus de 150 tournois dans sa carrière.

C’est trente ans plus tard qu’on instaura définitivement un système de limitation du temps de réflexion. Le système de qualification en système coupe n’eut pas un très long vécu. Trois autres tournois se sont disputés de la même façon après : le premier championnat des États-Unis en 1857 (gagné par Morphy) et les tournois de Manchester en 1857 et Birmingham en 1858 (gagnés par Löwenthal mais où la qualification se jouait sur une seule partie à Manchester). En 1862, le tournoi de Londres, gagné par Anderssen, se disputa pour la première fois avec le système round-robin : chaque joueur affronte ses autres adversaires. Ce système allait devenir la norme quasi-unique jusqu’aux années 1990 où le retour du Knock-out fit sa réapparition dans des formats beaucoup plus restreints (2 parties longues) et contestés aujourd’hui.

D’autre part, la tradition d’organiser des tournois pendant les Expositions Universelles ou Internationales (comme l’exposition coloniale de Londres en 1927), ou pour des festivités particulières s’est perpétuée jusqu’à la Première Guerre Mondiale. En 1867 à Paris, à Vienne en 1873 et 1898 (pour les 25 et 50 ans du règne de François-Joseph), Paris 1900, Cambridge Springs 1904 ou bien Paris 1924 (année où on créa la FIDE et les Olympiades).

Londres a organisé quelques-uns des grands tournois de l’Histoire des Échecs modernes : en 1862 nous l’avons mentionné (victoire d’Anderssen), 1883 (victoire de Zukertort), 1899 (victoire de Lasker), 1922 (victoire de Capablanca), 1927 (victoires de Nimzovitch et Tartacover). Cette tradition a fini par disparaître. Les joueurs anglais se sont peu à peu éloignés du cercle des prétendants au titre mondial (Il faut attendre 1993 et Nigel Short pour en trouver un). Le traditionnel tournoi du Nouvel An d’Hastings a remplacé les grands événements londoniens qui ont été beaucoup plus rares depuis 1945 : quelques tournois, dont en 1984 et un match URSS-Reste du Monde, plus récemment en 2009 où Magnus Carlsen s’imposa devant Vladimir Kramnik.


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