La narratrice est Louise (et non Justine). Elle est enceinte d’une petite fille qu’elle nommera Angèle et dont le père est Pablo, son compagnon. Situation heureuse des plus banales! L’originalité du récit, sa raison même, vient de ce que Alice, la mère de la jeune future maman, se meurt à l’hôpital d’un cancer en phase terminale. La narratrice est donc partagée entre la joie de devenir mère et la douleur de perdre la sienne qu’elle adore bien que celle-ci ait été une très mauvaise mère, droguée et du genre à l’oublier à l’école ou à l’abandonner seule à la maison. Elle-même se sent devenir une « mauvaise fille ». L'important sentiment de culpabilité qui l'envahit en permanence vient en partie de ce que la joie de la future naissance. l’emporte sur la douleur de la mort imminente.
"Je pense à elle qui meurt à mesure que mon ventre grossit...Moi qui suis si vivante, si doublement vivante en quelque sorte, moi qui la nargue avec cette deuxième vie, obscène, évidente, j'ai beau prier pour qu'elle reste en vie au moins le temps de la naissance, je sais que c'est moi qui lui prends ce qui lui reste de vie. Et je pleure."
A la fin ,un peu apaisée elle pourra dire sans colère:
«Maman est morte, je suis maman, voilà, c’est simple, c’est aussi simple que ça, c’est notre histoire à toutes les trois. (…) Partout dans mon enfant, ma mère a laissé son empreinte»
Trois femmes, trois générations, deux hommes, deux géniteurs. L’un d’eux, le père tout puissant, l’ex de la mère, riche, célèbre, brillant, généreux, rassurant et solide, véritable sauveur in extremis, ce père-là est le seul à ne pas avoir de nom. A lui seul il compense toutes les faiblesses de la mère et les fragilités de l’enfant solitaire! Un père des plus solides, le père rêvé quoi, si parfaitement parfait qu'il semble imaginaire!
J’ai aimé ce roman essentiellement pour l’écriture de Justine Lévy, très particulière, très vite reconnaissablesi on a lu son livre précédent : "Rien de grave " sur son mariage brisé par l’infidélité désormais célèbre de son philosophe de mari . Elle adopte un mélange très maîtrisé de style parlé, d’introspection, de vérité crue, de violence contenue.
« Déballage malsain et répugnant » ai-je lu quelque part! C’est vraiment exagéré et injuste !
Ce récit est une sorte d' analyse de soi salutaire et libératrice, violente et pudique à la fois que j'ai lue avec plaisir.
Antigone a également apprécié ce roman
Mauvaise fille de Justine Levy(Stock, 2009, 198 p)