Magazine Société
Cette injonction à soi-même plus qu'à un autre est l'épitaphe de celui qui se condamne à l'exil. Car cette phrase surmontant une porte dans une ruelle humide d'un village perdu de Ligurie, Castelvittorio, je l'ai photographiée aujourd'hui. Quelle histoire fait qu'un français se soit retrouvé là, dans ce village fantôme surplombant une vallée italienne? Qu'il se soit condamné à l'amertume et à la solitude? Et, surtout, pourquoi ce paradoxe de proclamer ce refus de l'autre?
"Fuis l'injustice des hommes et cherche la paix dans la solitude"
D'une telle phrase chacun s'écrira le roman qu'il voudra. Mais je plains celui l'a clouée dans sa vie: Vieux misanthrope aigri replié dans son antre, ressassant je ne sais quelle blessure, trempant sans doute une plume rèche et sèche dans l'acide pour se consoler de ce qu'on lui aura fait subir quand, sans doute, il eût pu agir et transformer ses plaies en rire. Un vieux Léautaud avec ses chats et des phrases à la beauté rancie?
Et pourtant dans ce village si vide, si extraordinairement sombre dans ses voûtes interminables, ses ruelles labyrinthiques et ses volets clos, il y a ce miracle, un lieu unique qui, par lui-même, dénonce le désespoir de cet homme.
Car à Castelvittorio les quelques personnes que l'on croise dans ce cul de sac à la fin d'interminables lacets ne se dirigent que vers un seul but: une vielle auberge en équilibre sur le vide, la Osteria del Portico. On y célèbre Rabelais comme nulle part ailleurs... Sans insister davantage car j'en suis encore à l'heure de la digestion, sachez qu'on y baffre, qu'on se goinfre, qu'on se remplit la panse pour 20 Euros avec vin rouge, charcutailles, carpaccio, escargots, plusieurs plats de pâtes, de l'agneau et, pour la gourmandise, un peu de sanglier... Salade et café pour essayer de digérer le tout!La vie est belle!