Il y a des coïncidences étranges, à l'occasion du vernissage de la rétrospective consacrée à Robert Cahen au Musée du Jeu de Paume, j'ai pu revoir l'une des vidéos de l'artiste "Sanaa, passages en noir" (1), et quelques jours plus tard j'ai pu écouter en live à Pleyel la musique "La Passion selon Saint-Jean" de Jean-Sébastien Bach qui accompagne cette œuvre et qui manifestement n'a pas été choisie au hasard, mais au contraire avec beaucoup de soin.
Nous sommes à Sanaa, qui est la capitale du Yémen. Nous sommes dans une rue, il faudrait plutôt dire une ruelle étroite de la ville. Nous apercevons les passants, des femmes voilées, entièrement vêtues de noir, qui nous tournent le dos, tandis qu'un homme, poignard ostensiblement visible à la ceinture, tout de blanc vêtu, marche vers nous.
Lorsque je vous disais que cette musique a été choisie avec beaucoup de soin, c'est que nous en oublions que nous sommes au Yémen, et qu'elle nous renvoie vers des horizons connus européens. Pour ma part, à la fois, vers les ruelles étroites d'Assise avec la silhouette des religieuses vêtues de noir se rendant aux offices, et à la fois vers les "rives" de Vicence où les masques noirs vont se venger de Don Giovanni (à cet égard le début de la "Passion selon Saint-Jean" me renvoie à Mozart, à son requiem et à l'opéra Don Giovanni). Et paradoxalement, c'est l'image avec son côté répétitif qui nous renvoie vers les rives orientales, vers les rythmes orientaux...
Silhouettes noires, ombres portées, flottantes, qui disparaissent sans fin, ces femmes sont-elles l'ombre d'elles-mêmes... existent-elles encore ? Dévouées à Dieu, ou respectant la charia, elles n'existent plus à nos yeux, et cela, je vous l'avoue, m'a donné à réfléchir...
(1) Robert Cahen a été primé pour cette vidéo réalisée en 2007. "Sanaa, passages en noir" a reçu le prix du ”documentaire le plus innovatif ” du Festival SOLE LUNA, Festival International du documentaire sur la Méditerranée et sur l’Islam. Palerme, ItalieProduction : Boulevard des Productions Strasbourg, montage effets spéciaux Thierry Maury
Extrait de la vidéo avec la courtoisie de Robert Cahen