Un petit billet que je dédie à tous les passionnés de l'espace et de la science-fiction. Peut-être connaissent-ils déjà cette vidéo, je me suis permis d'y ajouter une traduction française (que j'ai approximativement rédigée pour la première partie, et malhonnêtement copiée collée pour la fin) du texte lu par Carl Sagan.
Cette vidéo, et ce texte relativisent un peu tous nos problèmes, c'est un tantinet idéaliste, et pourrait être récupéré par tous les courants pacifistes ou écologistes de la vie politique. En ce qui me concerne je le prend pour ce qu'il est: à savoir la vision brute de notre insignifiance (ce mot ne me plaît pas, mais je ne trouve pas d'antonyme exact pour gigantisme)!
La sonde avait fait un long voyage depuis son départ.
J'ai pensé que ce serait une bonne idée, juste après Saturne, de les faire jeter un dernier coup d'œil en arrière. De Saturne, la Terre devrait être trop petite vue par "Voyager" pour en distinguer les détails. Notre planète ne serait qu'un point lumineux, un pixel solitaire à peine différentiable des autres points lumineux que Voyager apercevrait: les planètes proches, les soleils éloignés. Mais précisément en raison de l'obscurité de notre monde ainsi mis en évidence, avoir une telle image en vaudrait la peine.
Il avait été bien compris par les scientifiques et les philosophes de l'antiquité classique que la Terre était un simple point dans un vaste cosmos l'englobant, mais personne ne l'avait encore jamais vu comme tel. C'était notre première occasion, et peut-être aussi notre dernière avant des décennies.
Alors, les voici: une mosaïque de carrés fixés au-dessus des planètes sur un fond constitué de quelques étoiles plus lointaines. En raison de la réflexion de la lumière du soleil sur la sonde, la Terre semble se situer dans un faisceau de lumière, comme s'il y avait une importance particulière à ce petit monde, mais c'est juste un accident géométrique et optique. Il n'y a aucun signe de l'homme dans cette image: ni notre façonnement de la surface de la Terre, ni nos machines, ni nous-mêmes. De ce point de vue, aucune preuve de notre obsession des nationalismes. Nous sommes trop petits. A l'échelle des mondes, les êtres humains sont sans conséquence: un film mince de vie sur un morceau obscur et solitaire de roc et de métal.
Regardez encore ce petit point. C'est ici. C'est notre foyer. C'est nous. Sur lui se trouve tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu. Toute la somme de nos joies et de nos souffrances, des milliers de religions aux convictions assurées, d'idéologies et de doctrines économiques, tous les chasseurs et cueilleurs, tous les héros et tous les lâches, tous les créateurs et destructeurs de civilisations, tous les rois et tous les paysans, tous les jeunes couples d'amoureux, tous les pères et mères, tous les enfants plein d'espoir, les inventeurs et les explorateurs, tous les professeurs de morale, tous les politiciens corrompus, toutes les "superstars", tous les "guides suprêmes", tous les saints et pêcheurs de l'histoire de notre espèce ont vécu ici, sur ce grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil.
La Terre est une scène minuscule dans une vaste arène cosmique. Pensez aux rivières de sang versées par tous ces généraux et empereurs afin que, glorieux et triomphants, ils puissent devenir les maîtres éphémères d'un petit morceau d'un point. Pensez aux cruautés sans fin exercées par les habitants d'un coin de ce pixel sur les habitants, à peine discernables, d'un autre coin, combien de fois ils ne se sont pas compris, combien ils sont prompts à s'entretuer, combien sont tenaces leurs haines.
Nos gesticulations, l'importance imaginaire que nous nous donnons à nous-mêmes, l'illusion que nous occupons une place privilégiée dans l'univers, sont mises à mal par ce point ténu de lumière. Notre planète est une poussière solitaire dans la grande obscurité cosmique qui l'entoure. Dans cette obscurité, dans toute cette immensité, rien ne nous laisse croire que de l'aide viendra d'ailleurs pour nous sauver de nous-mêmes.
La Terre reste le seul monde que nous connaissions qui abrite la vie. Il n'y a aucun endroit, au moins dans un futur proche, où notre espèce pourrait émigrer. Explorer, oui. S'installer, pas encore. Que nous le voulions ou non, pour l'instant nous n'avons que la Terre.
Il a été dit que l'astronomie est une expérience qui conduit à l'humilité et forge le caractère. Il n'y a peut être pas de meilleure démonstration de la folie des idées humaines que cette lointaine image de notre monde minuscule. Pour moi, cela souligne notre responsabilité de cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir ce point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue.
Un point bleu pâle
Texte original consultable ici.