J’aurai donc attendu que Pascal Garnier rejoigne le Grand Loin pour m’intéresser à ses livres.
Et ce n’est pas faute de sollicitation de certains de mes consoeurs et confrères blogueurs, pas loin de créer un club Garnierophile. Cathe (pas loin de six billets), Laurent (4 billets, ici aussi), Alain, In Cold Blog et j’en passe, comme Clarabel, Papillon, Stephie, et j’en oublie encore …
Alors, quoi ? Qu’avait-il de si attirant cet auteur, cet homme ? Ses livres ? Ses histoires ? Où est ce Le Grand Loin ?
J’ai commencé par la fin. L’histoire de cet homme au bout du rouleau, Marc, la soixantaine, marié, une fille, divorcé, remarié… L'envie de faire une pause, de s’arrêter, d’arrêter de chiner avec Chloé, envie de partir… loin, voir le grand loin… Où est-ce, ce Grand Loin, d’ailleurs ?
Marc a une vision désabusée de la vie, non pas de la société, car vis-à-vis d’elle c’est plutôt une forme d’indifférence, une sorte de marginalisation consentie par une vie sans encombre, sans accroc, un effacement par la normalisation : être comme tout le monde, sans faire ni vague, ni bruit. Et puis ce jour, un matin, forcément, une envie différente, ressentie dans son corps, sa chair, son intérieur, l’envie d’altérité, de refaire quelque chose autrement. Et il y a cette fille, Anne, sa fille, celle qu’il a élevée après le départ de sa mère. Cette fille un tant soit peu différente. Anne, la trentaine, vit en institution psychiatrique. S’en était-il senti affecté ? Pas sûr. Son acceptation de la vie, des autres, des différences semblait immense. Surtout ce sentiment paternel naturel, cet amour conventionnel, simplement présent chez lui comme chez tout un chacun. Marc acceptait sa fille différente, l’aimait-il pour autant ?
Chaque année, Marc lui rend visite pour son anniversaire. Et ce matin là, il décide de l’emmener voir la mer. C’est loin. Mais peut-être pas encore assez. Alors, de rencontre en rencontre, d’hôtel en motel, ils iront ensuite à Agen, laissant derrière eux une trace, imperceptible pour Marc, impensable pour Anne. Pourquoi Agen ? Pourquoi pas Agen ? Est-ce là le Grand Loin ? Peut-être…
C’est fou comme ce livre ressemble à un testament. Une forme d’autobiographie fictionnelle. Un transfert du personnage principal sur son auteur, ou l'inverse. Comme si le premier ressemblait au second, comme si la créature prévoyait à l’instar de son créateur de se ménager un avenir possible, un avenir où les mots ont leur importance, un avenir que l’on est près de toucher du doigt, qu’encore faut-il avoir vaillant… le doigt !
Le personnage semble avoir mieux réussi que l’auteur, et pourtant Pascal Garnier reste si vivant à la lecture de ce livre. A-t-il, lui aussi, atteint le Grand Loin ?
Le Grand Loin
Pascal Garnier, Zulma, 2010 – 16,50 €.