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L’infinie réforme des retraites

Publié le 14 avril 2010 par Vogelsong @Vogelsong

La machine à réformer est inexorable. Rien ni personne ne pourra faire entendre raison à ceux qui, butés sur le dogme failli de la libéralisation croissante du secteur de la santé, s’entêtent à vouloir conserver un modèle tout en le détruisant. S’agissant de la Nième réforme des retraites, rien de nouveau sur la méthode. Les péroraisons gouvernementales sur la pérennisation du système, les atermoiements d’une opposition centrifugée et les pathétiques bisbilles syndicales présentent un spectacle vu et revu. Celui d’une réforme, cristallisée par un “économisme” forcené, déjà faite dans les esprits. Ne restant plus qu’à la rehausser du sentiment de justice.

La pénurie comme aiguillon de la réforme

L’infinie réforme des retraites
La France a choisi délibérément le sous-emploi. Une méthode de management de basse pression salariale. Dans un communiqué du 13 avril 2010, la patronne du MEDEF déclarait que les perspectives du Conseil d’orientation des retraites (COR) étaient irréalistes, car assisent sur une hypothèse de plein emploi (4,5 %). Elle rajoutera que c’est un taux “que nous n’avons pas connu depuis le tout début des années 60”. En l’occurrence, l’égérie ultra libérale dresse un tableau peu reluisant de la contre-révolution qui s’opère depuis plus de 30 ans. L’aveu d’un avenir économique construit autour d’un chômage durable, loin du persiflage coutumier sur les vertus d’un capitalisme “moralisé”. Du chemin a pourtant été parcouru : fiscalité bienveillante, flexibilisation du marché du travail, dérégulation de l’économie. Tendanciellement depuis trente ans, par palier le modèle (libéralisé) prôné par les instances économiques internationales s’impose dans l’hexagone.

Pourtant F.Fillon et tous ses prédécesseurs continuent de défier la réalité en propageant l’idée que le modèle social français doit être perpétué. Il y a bien longtemps que les bases établies au sortir de la 2e guerre mondiale ont été sapées. Construites sur un consensus “redistributif” et égalitaire, elle font figure d’archaïsme pesant. Le modèle social français en temps de “réforme” et de privatisation fait figure de coquetterie désuète que les tenants « du tout » compétition agitent comme un hochet. Dans un aveuglement psychopathologique, le gouvernement s’apprête à administrer la même potion à une population désaffectée, blasée par ces questions.

Un discours rabâché ad nauseam

L’attirail argumentaire est rustique et tire sa force du constant martèlement sur l’opinion. Travaillant sans relâche à l’attendrissement des esprits rétifs, les politiciens ont trouvé dans la presse avachie et ignare en questions économiques et sociales des larbins zélés pour répandre quelques pesantes affirmations : “la durée de vie s’allonge, on doit travailler plus longtemps”, “le trou abyssal de la sécurité sociale”, “la dette que nous laissons à nos enfants”.

Pourtant, le modèle économique dominant de la “réforme” s’évertue à mettre à la casse les salariés après 50 ans. Malgré les affirmations patronales sur la nécessité de turbiner davantage et plus longtemps, les pratiques de ces mêmes (dirigeants) sont en complète désynchronisation avec le discours.

Cantonner le système de santé à la gestion comptable c’est déjà abdiquer sur la notion d’égalité et de redistribution. Cette tournure d’esprit a conduit à de multiples réformes. Sans jamais réduire le fameux déficit. Dans un système digne, de prises en charge de toute la population de manière égale (où “on cotise selon ses moyens, et on reçoit selon ses besoins”) et étant entendu que la maladie est une affliction généralement non souhaitée, souvent une fatalité du destin, l’écueil provient seulement et uniquement du manque de financement. Les pistes de “recettes” ne manquent pourtant pas.

Les classes dominantes ont aussi trouvé une nouvelle marotte pour faire avaler n’importe quoi aux citoyens Ils se soucient (à présent) des enfants des autres. Ayant accumulé un capital social et symbolique pour plusieurs générations, ils délocalisent dans des ateliers d’Asie du Sud-est sans se soucier de la souffrance infantile. À moins qu’un enfant de France ait une valeur supérieure à un enfant d’ailleurs…

La comédie de la réforme

La réduction de déficit et le sauvetage du système de retraite ne sont pas des objectifs. Les réformes successives inefficaces et la problématique ressassée distillent à dose constante l’idée que la répartition a vécue. La source de maux insolubles dont il faut s’affranchir. Les plans ne manquent pas. En particulier les trois piliers de la libéralisation. Tout d’abord le sous-financement chronique réputé inexorable et intolérable, en serinant le citoyen avec des figures familiales culpabilisatrices du type “on ne peut vivre à crédit”. Assertion qui au passage ne manque pas de piquant quand on connaît les ressorts de l’économie productiviste à basse pression salariale libérale basée sur l’endettement, la finance et le taux d’intérêt dont l’essence est le crédit… Dans un second temps pour mimer la réduction du déficit, on réforme en augmentant les durées de cotisations, rendant l’atteinte d’un niveau de vie décent à la fin de sa carrière de plus en plus illusoire. À ce niveau, viennent se greffer les organismes privés de “complémentaires”, structures d’individualisation des retraites en complète dissociation avec l’esprit originel de répartition égale selon les besoins. À ce stade, le système est déjà pleinement perverti, puisqu’ayant basculé pour partie dans une logique individualiste. Loin d’y trouver son compte, le réformateur libéral pousse, encore. Le troisième et dernier pilier s’appuie sur la capitalisation intégrale des retraites. Le fantasme humide des officines spéculatives. Et ce, même malgré les déboires des fonds de pension états-uniens comme ENRON. Les recettes liées au régime des retraites représentent plus de 80 milliards d’euros l’an. La totalité des recettes de la sécurité sociale en 2007 s’élève à 390 milliards d’euros. Un vertigineux butin.

F. Fillon et les autres larbins qui s’alarment de la justice sociale et du modèle à la “française” ne conspirent qu’à sa désagrégation. Muni d’un sabre en bois et d’une balance gauchie le gouvernement s’adonne au mime de la justice sociale et de la réforme. Ne tirant aucunement les conséquences des limites du système et des crises survenues, il s’emploie à dérouler l’agenda forcené des libéralisations. Coûte que coûte.

Vogelsong – 13 avril 2010 – Paris

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