L'exposition "Crime et Châtiment" au musée d'Orsay avait tout pour séduire sur le plan esthétique et intellectuel. Elle est devenue au fil des journées une entreprise de voyeurisme pour amateurs de faits divers crapoteux. S'il est toujours précieux de se retrouver en face de quelques toiles rarement exposées de
William Blake,Francesco Goya, d'un collage de Victor Hugo inconnu ou d'une texture de cadavre aux blêmes bien rendus par Géricault...pourquoi diable ce cours de phrénologie,cet éloge pompier de Bertillon, sa vie son oeuvre, ses dissections, ses mesures de fourmis sur des pattes de mouche ? Pourquoi diable ce rappel des errements scientifiques de Lavater, cette exhibition de crânes de tueurs. Bien sûr , il est toujours intéressant de faire le point sur les égarements de la physiognomonie ,fausse science inventée par Lombroso, ce psychiâtre italien trop optimiste , précurseur du chromosome du crime et qui associait à chaque criminel un signe reconnaissable(en général , une modification crânienne). Cet inventeur du "délit de faciès" avant l'heure imagina un type physique pour chaque crime. Ainsi il existerait un "profil" du voyeur, du tueur, du violeur etc.
Bien sûr il est toujours intéressant de voir une illustration de ce que Bachelard appelait un obstacle épistémologique, un frein à la science naissante qui advient avec l'analyse de "la scène de crime". Mais le mélange des genres fatigue. Le portrait des procureurs du début du siècle précédent ennuie. Les Daumier ont été vus mille fois. La problématique de l'emprisonnement (citations et extraits de "Surveiller et Punir", plans et illustrations des prisons, analyse de leur forme en "Panoptique")ajoutent à la confusion. Trop de didactisme nuit. A cela s'ajoute l'étude de la presse des faits divers de l'Illustration à Détective...Bourratif.
Cette expo concoctée par Jean Clair ,conservateur du Patrimoine et commissaire général est un fourre-tout , comme l'était d'ailleurs l'exposition Mélancolia qu'il avait précédemment réalisée.
Plus sûrement qu'ils ne réfléchiront à la peine de mort et son abolition (L'exposition est une idée de Robert Badinter) beaucoup de visiteurs se contenteront de tourner avec une curiosité malsaine autour de la guillotine exhibée ou se gobergeront d'une tête tranchée de communard, un moulage certes, mais ressemblant...