« Le testament caché » est un roman sombre retraçant le destin difficile de personnages à la vie brisée. Roseanne McNulty est centenaire et a passé plus de la moitié de sa vie dans un hôpital psychiatrique. Elle y est internée depuis si longtemps que l’on a oublié pourquoi elle s’y trouve. Le psychiatre en chef, le Docteur Grene, est quant-à lui confronté à des difficultés conjugales et c’est l’esprit lourd de douleur qu’il doit affronter la fermeture prochaine de son établissement. Il a alors la charge de retracer l’histoire de chaque patient, dont Roseanne, de façon à en faire une évaluation complète. Le lecteur est ainsi plongé dans la reconstitution de ces destins écorchés, à travers les notes du Docteur Grene d’un côté et l’autobiographie que Roseanne s’attache à écrire en cachette de l’autre.
On découvre l’existence dramatique de cette femme, sa vie gâchée, piétinée par la bienséance et par les notables de sa petite ville natale, comme le prêtre qui a le pouvoir de détruire la vie des pauvres gens alors qu’il devrait les protéger. Le lecteur apprend également à connaître le Docteur Grene, bouleversé par les difficultés de son mariage dont il se sent responsable, puis anéanti par le décès brutal de son épouse. Ces deux destins se croisent puis s’emmêlent de façon inattendue, donnant à la fin du récit un tout autre relief.
A travers ces vies, on retrouve également l’Histoire d’un pays, l’Irlande, tiraillée par une guerre civile interminable en sus des conflits internationaux.
Ce récit est celui d’une douleur, sourde et silencieuse, car soigneusement cachée de la vue de tous par les épais murs d’un hôpital psychiatrique vétuste dont les archives ont disparu. C’est à force de persévérance, de volonté et de lutte contre l’oubli que l’on peut reconstituer cette sombre histoire, celle des oubliés de la vie, de ceux qui périssent dans l’ombre.
Sebastian Barry livre ici un beau roman qui met en lumière le destin tragique de son pays et celui de ses laissés-pour-compte.
On peut simplement regretter que les récits personnels du Docteur Grene paraissent parfois longs et fastidieux. Le lecteur ne comprend leur intérêt qu’à la fin du roman et il est dommage que le rythme de leur lecture ne se soit pas avéré aussi envoutant que celui des pages de Roseanne.