Magazine Société
La liberté d’expression est en berne.
Sarkozy l’attaque à la pioche mais force est de constater que de toutes parts on renie ce que fut le socle des Lumières. Et on le fait au nom du Bien ce qui interdit toute protestation.
Du débat ou de l’humour, tout est désormais frappé de suspicion : On cherche le dérapage derrière chaque mot, l’équivoque derrière chaque pensée et, dès qu’une parole un peu neuve ou trop caustique se fait entendre, les flics de la politique, de la pensance officielle, ceux des associations, ceux des blancs, des juifs, des arabes, des noirs, des féministes, des gays, de la SPA, des corps professionnels ou des ratons laveurs – tous sortent leur matraque médiatique et appellent au juge et à la condamnation !
Atteinte à la vie privée, propos calomnieux, devoir de réserve, paroles incitant à la haine... Tout est prétexte, pré-texte: condamnation de principe.
Chaque parole est devenue si dangereuse qu’on aura bientôt compris qu’il convient de se taire. On appelle ça l’autocensure. Jamais elle n’aura été aussi forte dans l’histoire de la République.
Les dernières semaines nous ont fourni un déluge de manifestations de bigbrothérisation de la société : On piste chaque « dérapage » des uns ou des autres pour dénicher le raciste ou le machiste qui sommeille dans les beaufs fascisants que nous sommes.
A l’inverse on extraira telle phrase pour vous traiter de gauchiste stalinien ennemi de la démocratie. Et ça tire de tous les côtés !
Pour la première fois, un gendarme se trouve radié avec la signature du Président de la République pour délit d’opinion.
Le même jour deux anciens Ministres socialistes portent plainte contre France 2 et les réalisateurs du « Jeu de la mort ». Sans rire, Paul Quilès dans une jolie dénégation freudienne déclare : « Par cette action, il ne s’agit naturellement en aucune façon de brider la liberté d’expression. » Ben voyons… Et d’ajouter cette justification morale : « La violence est un redoutable fléau de nos sociétés ». Réflexion savoureuse de la part de celui qui fut Ministre de nos armées !
Le même jour on apprend que deux personnes sont virées du Journal du Dimanche pour avoir laissé circuler des rumeurs sur le couple Sarkozy. Le même jour la propagande officielle recouvre de son linceul l’information quand Carla Bruni se dévoile en prenant les rênes du Figaro.
Il y a peu de temps un magasin parisien portait plainte contre une romancière qui avait commis le crime d’y avoir situé une fiction…
On n’entend plus que les noms de ceux qui pêchent, les Besson, les Hortefeux, les Frêche, les Zemmour, les Dieudonné… Bizarrement un certain Yann Moix qui alla bien plus loin échappa à la curée.
Il ne s’agit pas de les défendre. Leur parole est souvent odieuse.
Mais à brandir sans cesse l’étendard de l’interdit c’est notre propre bâillon que nous fabriquons.
Dans un univers devenu carcéral avec des caméras partout dans les rues, des radars sur les routes, les interdictions qui se multiplient sous couvert d’hygiénisme c’est la parole, ultime lien social et cœur de toute pensée, qui se voit menacée.
Ce texte est bien sûr un dérapage de plus. Une seule attitude responsable, digne, morale demeure donc : le léchage de pompes.
Pour celui qui ne veut s’y résoudre, reste le silence de l’autocensure.