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La CIA devrait s'inquiéter de l'œuvre de Don DeLillo. En 1977, dans son ouvrage les joueurs, il présageait déjà d'un attentat terroriste visant les symboles économiques des Etats-Unis. Un attentat terroriste y détruit la bourse de New York, et non le World Trade Center. Cela aurait été trop suspect. En 2003, dans Cosmopolis, un trader, enivré par sa toute puissance spéculative, entraîne dans sa fulgurante descente aux enfers sa fortune et celle des autres. Attentat terroriste, bulle spéculative, DeLillo aurait pu présager les évènements du 11 septembre 2001. Rattrapé par la réalité, il se devait d'en faire un roman.
Dans L'homme qui tombe, les brumes de l'effondrement des tours jumelles emprisonnent les new-yorkais. Le roman s'effiloche, la lecture devient opaque et difficile. L'asphyxie guette les protagonistes et les lecteurs. Les survivants comme Keith, amorcent leur propre chute. Désorienté et démuni, Keith échappe à la mort, mais perd son identité qui se recompose dans les gravats, avec les fragments des vies perdues. Il emporte la mallette d'un autre homme, est recouvert du sang d'un autre, et découvre aux urgences que son corps est pénétré de multiples éclats de chair humaine, des "shrapnels organiques".
L'homme qui tombe donne le vertige. La lecture n'est pas toujours facile d'accès. DeLillo déstructure son écriture, symbolise la chute et n'apporte aucune réponse à cette confusion. Il aime trop jouer avec notre centre de gravité.
Acceptez de perdre vos repères, de chuter avec ces new-yorkais dépossédés qui tentent de rapiécer leurs âmes.
L'homme qui tombe, de Don DeLillo, éditions Babel, 295 pages, 8,50 euros.
Les joueurs,de Don DeLillo, éditions du Livre de Poche, 220 pages, 5,50 euros.
Cosmopolis, de Don DeLillo, éditions Babel, 221 pages, 7,50 euros.