Nous avons tous déjà eu, étant enfant, une poussée de curiosité cruelle suite à laquelle nous avons fait souffrir un petit être sans défense.
Le cliché parfait que l'on voit dans les films, c'est un jeune garçon qui torture impunément une fourmi grâce à une loupe sous un gros soleil de juillet. Ou encore, dans les vieux films, il s'agissait du pauvre chien qui courait, suivi d'une ribambelle de boîtes de conserves attachée à sa queue et clinquant sur le sol, ce qui ne manquait pas de terroriser le malheureux pitou.
Moi-même, j'ai eu des excès de cruauté, un bel été alors que nous séjournions sur un terrain de camping. Nous avions attrappé un taon. Un gros taon velu, jaune et noir. Il était pas très content d'être prisonnier d'un pot Mason. Nous avons donc décidé de mettre fin (très lentement) à ses souffrances grâce à une canette de WD-40 (ce joyeux produit vaporisateur anti-corrosion dont la bouteille bleue est agrémentée d'une coquette paille rouge) qui trainait pas loin.
Le taon se débattait, il a même changé de couleur. Il est devenu tout noir. Il a voletté comme il pouvait dans son bocal, et il a fini par tomber au fond, sur le dos, les pattes rendant leur dernier soubresaut.
Aujourd'hui, je ressens encore cette espèce de cruauté curieuse (ou cette curiosité cruelle?). Il y a une bibitte qui va souffrir, se débattre, et je vais regarder avec un sourire en coin, me réjouissant d'être témoin de ça, et je ne ferai rien pour l'en empêcher.
Aujourd'hui, le pot Mason dans lequel je regarde, c'est la sphère publique.
Mon taon se nomme Jean Charest.
Et mon vaporisateur anti-corruption anti-corrosion est un produit signé Marc Bellemare.