En 1905, l’écrivain iconoclaste Félix Fénéon tient une rubrique de faits divers dans le journal Le Matin intitulée "Nouvelles en trois lignes". En presque 150 signes, il dresse magistralement un portrait de son époque et sa plume brille d'un style fulgurant.
Alors, Fénéon, un précurseur de Twitter?
***Elle tomba. Il plongea. Disparus.M. Abel Bonnard, de Villeneuve-Saint-Georges, qui jouait au billard, s’est crevé l’oeil gauche en tombant sur sa queue.
Un flacon flottait. Mauritz, de Sèvres, se pencha pour le prendre et tomba dans la Seine. Il est maintenant à la morgue.
C’est au cochonnet que l’apoplexie a terrassé M. André, 75 ans, de Levallois. Sa boule roulait encore qu’il n’était déjà plus.
Le feu, 126, boulevard Voltaire. Un caporal fut blessé. Deux lieutenants reçurent sur la tête, l’un une poutre, l’autre un pompier.
Le médecin chargé d’autopsier Mlle Cuzin, de Marseille, morte mystérieusement, a conclu : suicide par strangulation.
Jugeant sa fille (19 ans) trop peu austère, l’horloger stéphanois Jallat l’a tuée. Il est vrai qu’il lui reste onze autres enfants.
Mme Olympe Fraisse conte que, dans le bois de Bordezac (Gard), un faune fit subir de merveilleux outrages à ses 66 ans.Chez un cabaretier de Versailles, l'ex-ecclésiastique Rouslot trouva dans sa onzième absinthe la crise de delirium qui l'emporta.
Le cadavre du sexagénaire Dorlay se balançait à un arbre, à Arcueil, avec cette pancarte : "Trop vieux pour travailler."
Le mendiant septuagénaire Verniot, de Clichy, est mort de faim. Sa paillasse recèlait 2000 francs. Mais il ne faut pas généraliser.
Madame Fournier, M. Voisin, M. Septeuil se sont pendus : neurasthénie, cancer, chômage.
Susceptible comme un mari, Louis Dubé a poignardé dans la rue de Flandres sa maîtresse Florence Prévost.
Le Dunkerquois Scheid a tiré trois fois sur sa femme. Comme il la manquait toujours, il visa sa belle-mère : le coup porta .
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