Ce mardi, ce sont sept présidents de conseils généraux, sous la houlette de l’Association des départements de France (ADF), cinq de gauche et deux de droite, qui défient «le pouvoir central, obstiné à ne rien entendre» - Arnaud Montebourg (PS) dixit - sur cette question de la compensation des charges transférées à leur collectivité de 2002 à 2009.«C’est le début de l’émergence d’une révolte», prophétise le président du conseil général de Saône-et-Loire, qui accuse l’Etat d’avoir transféré aux conseils généraux des compétences mais pas les recettes qui leur correspondent. «Tout ce dont l’Etat veut se débarrasser, c’est pour nous et on n’a pas l’argent pour le faire!», entonne Montebourg, qui dépeint des départements en «quais de déchargement massif, bric-à-brac de la République».
«Phase d'étranglement»
Situation «dramatique», «problème énorme», «phase d'étranglement» que les élus locaux dénoncent depuis les transferts réalisés par Jean-Pierre Raffarin, et qui continueraient de s’aggraver. Gérard Roche, président (divers droite) du conseil général de Haute-Loire, date de la «mi-2008, une dégradation vertigineuse des finances des départements», un peu plus plombées par la crise économique. Et les derniers budgets - à voter d’ici le 15 avril - ont été particulièrement compliqués à boucler.Le casse-tête consiste surtout à financer le versement de trois allocations individuelles de solidarité déléguées aux conseils généraux dans les années 2000: l’APA (allocation personnalisée d’autonomie), la PCH (prestation de compensation des personnes handicapées) et le RMI devenu RSA (revenu de solidarité active). L’Etat était censé, au départ, les compenser «à l’euro près» mais depuis, ces charges ont explosé.Résultat: un manque à gagner de plus de 4 milliards d’euros pour 2009, selon l’ADF, et l’obligation, pour les départements, de rogner sur d’autres budgets, comme le sport ou la culture, ou de revoir à la baisse ses investissements. «Encore quelques mois et la situation sera catastrophique», s’inquiète Claudy Lebreton, président (PS) des Côtes-d’Armor, à la tête de l’ADF, qui compte «28 départements touchés» par de gros problèmes financiers et 16 qui le seront en 2011.«Marre, fini, terminé!»
«Marre, fini, terminé ! On ne veut plus demander des impôts locaux pour compenser ce que la solidarité nationale devrait payer», s’emporte Michel Dinet, président (PS) de la Meurthe-et-Moselle. Quels leviers d’action ont les départements? Pour le savoir, ces sept élus ont consulté le constitutionnaliste Dominique Rousseau. Dans ses conclusions, celui-ci avance deux pistes. L'une, législative, «sans doute la plus efficace à long terme», qui viserait à «réévaluer» les compensations financières, actuelles et futures.Et l’autre, constitutionnelle: la question prioritaire de constitutionnalité, une toute nouvelle procédure permettant à tout justiciable de contester une disposition législative déjà appliquée, au motif qu’elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Les juridictions saisies transmettent ensuite les dossiers à la Cour de cassation ou au Conseil d’Etat, chargés de les transmettre à leur tour, le cas échéant, au Conseil constitutionnel.«Tous des Séquano-dionysiens»
Le groupe de présidents de conseils généraux entend donc déposer une proposition de loi - sur le mode «Payez ce que vous nous devez», résume Montebourg -, sous peine, si le texte est rétoqué au Parlement, de dégainer l’arme lourde. Michel Dinet agite la menace: «Si, à l’automne, on n’a pas de réponses, c’est la force de dissuasion, la bombe atomique, le Conseil constitutionnel!»L’initiative de Bartolone a aussi donné des idées. Le président du conseil général de l’Essonne, le socialiste Michel Berson, a annoncé, à son tour, lundi soir, qu’il présenterait un budget en déséquilibre en signe de solidarité: «Face à la politique injuste du gouvernement, nous sommes tous des Séquano-Dionysiens.»libération.fr