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J'apprécie Waberi principalement pour son écriture. J'aime une forme d'engagement dans son propos, une approche très subtile mais intéressante.
Aussi, je me demandais comment il avait abordé la question du génocide rwandais, après les résidences d'écrivain qui l'ont conduit au Rwanda et au Burundi entre 1998 et 1999.
Le traitement d'un tel sujet n'a rien d'un plaisir. C'est tout de suite ce que j'ai ressenti autant par les avertissements de l'auteur qui introduisent le texte, que par l'organisation de cet oeuvre. Abdourahmane Waberi propose un ensemble de récits qui relèvent souvent des témoignages reçus, de l'opinion de l'écrivain sur des paroles entendues, des choses vues. A. Waberi glisse entre ces mots, des poêmes de Césaire, des phrases de Primo Lévi. Il pose également sa fiction. Dans les deux formes de narration, on observe des ruptures régulières. L'auteur revenant par exemple sur les haines anciennes remontant aux indépendances, alors qu'il décrivait une scène du génocide. Il rappelle donc les exils fondateurs, les terreaux trop bien entretenus d'une violence étouffée.
Les exilés, vivacement agglutinés tout autour de la terre matricielle, dont ils hument le parfum singulier, survivent dans des conditions infrahumaines - les jeunes gens sans espoir à monnayer s'enrôlent dans des campagnes lointaines, jusqu'au Mozambique. Jamais ils ne perdent de vue le limon de la langue maternelle.
Brièvement, il évoque un jeune officier de l'APR attendant les ordres. Prêt. Dans l'obscurité de la nuit, la moisson de crânes a lieu. Folle, implacable, dévastatrice.
Waberi parle de ces prisons pleines dans lesquels, au moment où il saisit sa plume, le déni est la principale donnée à retenir. Il retranscrit la propagande que l'on peut identifier comme celle des tenants, des pilotes de cette folie meurtrière. Un discours structuré, chargé de mensonges, puisant dans l'imaginaire et les croyances ancestrâles.
Tâche difficile à laquelle s'est prêté le romancier et poête djiboutien. Un regard qui, au travers d'une approche globale, offre une vision complète de ce drame : ses causes lointaines, la folie et la situation actuelle avec une écriture magnifique pour soutenir son propos.
Abdourahman A. Waberi, Moisson de crânesEdition du Serpent à plumes, Collection Motifs, 1ère parution en 2000, 95 pages
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