Ce sport a également inspiré les plus grands romanciers. Norman Mailer a consacré un roman pour décrire tous les contours de la fabuleuse rencontre qui opposa Mohamed Ali et George Foreman en 1974 à Kinshasa. Un texte magistral qui est à la fois un chef d’œuvre littéraire, mais aussi un travail de journalisme fantastique.
Norman Mailer est écrivain et journaliste. Mohamed Ali tente désespérément son come-back, après la perte de son titre de champion de boxe sur tapis vert suite à son refus d’aller combattre avec les troupes américaines au Viêt-Nam. 3 ans après son retour sur les rings, il a enfin l’occasion de reprendre la couronne mondiale. L’obstacle cependant semble infranchissable. George Foreman a tout simplement démonté les principaux adversaires de Mohamed Ali. Impressionnant de puissance, très peu de gens croient en une victoire de la grande gueule de Louisville.
Ce sont ces trois principaux personnages qui sont mis en scène. Mohamed le challenger, George le champion de boxe en titre et Norman, le champion des lettres. Et oui, si cette histoire d’aller combattre à Kinshasa, dans ce qui sera considéré par la suite comme le combat du siècle, est avant tout une histoire d’égo, Norman Mailer n’est pas en reste, parlant de lui à 3ème personne, ou par son prénom. J’ai trouvé cet exercice de style passionnant et amusant, cette démarche de tenter de se mettre ainsi à la hauteur de ses (ou ces) personnages.
Il brosse le contexte du combat, la préparation des deux boxeurs. Et la volonté du journaliste de pouvoir capter le niveau de forme des deux futurs belligérants. Le caractère passionnant de ce récit est de voir comment, parce qu’on connait le fin mot de l’histoire, Mohamed Ali a berné la presse nationale et internationale, ou en tout cas a su distiller des informations nécessaires pour désorienter la préparation de Foreman. Norman Mailer se garde bien d’étaler sa surprise quand il constate la stratégie réelle d’Ali lors du combat.
Ce qui est également très intéressant, c’est le regard que porte Mailer sur la société zaïroise, sur Mobutu, sur ses propres attentes, les fautes de goût des hôtes, sur la répression du banditisme par le régime totalitaire, sur l’échec de la politique du dictateur, sur les rapports au chef des populations de cette contrée. Je regrette cependant qu'il n'ait pas désossé les relations passionnelles entre Mobutu et les Etats-Unis. C’est également ce regard sur les rapports entre afro-américains et africains pendant ce séjour prolongé suite à la blessure de Foreman. Comme si le fait de couleur suffisait à éponger la traite négrière et 400 ans d’esclavage.
Mais l’intérêt de ce roman est finalement dans la sincérité de l’auteur. Il a malgré tout une fascination pour Ali, dont il finit par saisir les enjeux cruciaux que revêtent ce combat pour la cause qu’il défend. Fascination et inquiétude.
Ce texte est remarquablement écrit par un champion des lettres pour reprendre les mots simples de Foreman. On ne lâche pas prise pour une histoire dont on connait l’issue.
Je terminerai en vous invitant à voir cette intervention de Mohamed Ali à la mythique émission de Bernard Pivot, Apostrophes. J’ai retrouvé cette merveille sur le site de l’INA. Le téléchargement a un coût, mais Mohamed Ali s’y exprime de manière très intéressante et offre un éclairage sur sa personnalité, son combat et de manière indirecte sur le roman de Norman Mailer.
Bonne lecture !
Norman Mailer, Le combat du siècle
Edition Denoël, Collection Folio, 322 pages
Traduit de l'américain par Bernard Cohen. Titre original : The fight
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Un extrait de l'émission Apostrophes consacrée à Muhamed Ali.
© Dessin Norman Mailer par Ben Heine