Avant toutes choses, je tiens à remercier les éditions Perrin qui, dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babélio, ont mis gracieusement à disposition de certains lecteurs volontaires des exemplaires de cet ouvrage.
Au matin du 20 février 1934, le cadavre d'Albert Prince, récemment nommé conseiller à la Cour d'Appel de Paris, est retrouvé sur une voie ferroviaire, non loin de Dijon, en un lieu poétiquement dénommé "la Combe-aux-Fées." Les rapports d'expertises - il y en aura deux séries, celle des experts judiciaires et celle des experts de la SNCF - se contrediront de toutes les manières sauf sur un point : bla locomotive peut être considérée comme le seul agent de la Mort.__
Un conseiller à la Cour d'Appel de Paris, voilà un cadavre assez encombrant. Surtout quand on découvre qu'Albert Prince avait, sous les ordres du procureur général Pressard, travaillé à l'enquête sur les agissements d'Alexandre Stavisky, le célèbre escroc qui s'était suicidé - ou avait été suicidé - un mois plus tôt, le 8 janvier.
L'enquête avait débuté en 1929, à l'initiative du ministre des Finances de l'époque, Henri Chéron, lequel avait demandé à son homologue de la Justice, Louis Barthou, de faire un maximum de lumière sur les agissements de la Compagnie foncière, dont le directeur n'était qu'un homme de paille de Stavisky. Stavisky, toujours suspecté, voire interpellé et mis en accusation (ce n'était pas la première fois qu'il montait une compagnie-bidon pour extorquer l'argent du contribuable fortuné et moins fortuné) mais jamais emprisonné et jamais jugé. Stavisky qui, murmurait-on depuis longtemps, savait se réserver les bonnes grâces des parlementaires ...
Au vrai, l'intervention d'Albert Prince dans cette enquête avait été assez modeste : il s'était contenté de parcourir, à la demande de Pressard, un rapport d'expertise relatif à la Compagnie foncière, rapport qui, selon lui, prouvait surtout que les infractions éventuelles ne relevaient pas du ministère de la Justice mais du ministère du Travail. Arriva ensuite sur son bureau le rapport Gripois, rédigé celui-là par un inspecteur des Finances, mais dont on ne peut prouver avec certitude que Prince le laissa sans suite sur ordre ou par négligence. Cependant, compte tenu du sérieux du conseiller Prince, cette dernière hypothèse paraît sujette à caution. Cornut-Gentille ne la soutient pas d'ailleurs - cf. p. 44.
Mais une chose est sûre : traité comme il se devait par le ministère de la Justice, le rapport Gripois aurait pu freiner les activités de Stavisky, et ce dès mars 1930.