Professionisti per un massacro
Fernando Cicero
1967
Avec: George Hilton, Edd Byrnes, George Martin, José Bodalo
Castellarien. Ce mot de l’amigo Sartana sur Western movies est plutôt bien trouvé, encore qu’il soit nécessaire de préciser que c’est de la veine loufoque de cet estimé réalisateur que l’on cause. Le scénario rappelle Aujourd’hui ma peau, demain la tienne. Trois lascars pieds nickelesques (« Et vous, vous ne travaillez pas ? ») partent à la poursuite d’un trésor comme on part à la pêche aux coquillages. Le trésor est bien sûr sudiste, je ne sais pas pourquoi les nordistes n’avaient pas de trésor mais là n’est pas le sujet, le trésor est sudiste, il passe de mains en mains, de bandits en bandits et de sale gueule en gueule de traître. Seuls les trois lascars ne se trahissent pas fort heureusement, sans quoi on aurait été quelque peu perdus. En tout cas, si les multiples rebondissements d’un scénario à tiroir pouvaient amuser en 1967, ce n’est guère plus le cas aujourd’hui malheureusement, alors que toutes les péripéties se succèdent comme convenu et que les surprises s’enchaînent sans surprise. Néanmoins, la réalisation fluide et la bonne humeur générale font passer la sauce agréablement.
L’autre point Castellarien par excellence, c’est la science du cadre. Quel que soit le sujet à filmer, la caméra se place de façon à nous mettre un avant-plan pittoresque agrémenté de figurants à la pose hiératique négligente, formant moultes figures géométriques savantes et lignes de fuite dans tous les sens. Et quand la caméra se met à bouger, ce n’est jamais par hasard, c’est toujours pour nous montrer quelque chose, une trogne qui fait son entrée, un flingue pointé, une mèche qui fume nonchalamment, des cadavres qui pendouillent. Bon, Fernando Cicero s’amuse bien, et c’est toujours plus agréable à regarder que dix minutes de champ contre-champ. Par contre, en ce qui concerne les cavalcades dans les canyons d’Almeria et les tueries interminables, c’est le service minimum : cataclop cataclop à gauche, catclop cataclop à droite et pan pan pan tout le monde virevolte. La base, bien faite quoi, mais sans plus.
Troisième point Castellarien, le casting, avec un Edd Byrnes toujours aussi sans intérêt en pistolero depuis 7 winchester pour un massacre, mais qui a le mérite d’être là (ça ne veut rien dire, mais bon au moins il est là quoi), et un George Hilton que je vais bien finir par complètement apprécier puisqu’il est ici tout bonnement formidable en prêtre déchu, récitant ses sermons tout en allumant des mèches, explosant de joie à chaque fois qu’il réussit à faire sauter un régiment nordiste, et flairant littéralement l’odeur de l’argent à distance. Un régal, tout sourire, iconoclaste et gentiment sacrilège, George Hilton est la bonne surprise du film, alors que dans Je vais je tire je reviens, c’était Edd Byrnes la bonne surprise du film, effaçant un George Hilton légèrement, heu, effacé. Comme si les acteurs de spaghetti avaient décidé d’un commun accord d’être bons à tour de rôle sur leurs films : « Hé George, c’est à ton tour de bosser ce coup-ci ! » « Hé tu rigoles, y a Robert Woods qu’en fout pas une rame depuis trois films ! »
Et pour compléter le casting, George Martin n’est pas mal du tout en spécialiste des chevaux, capable de lire dans le crottin, vigoureusement musclé, et toujours en pleine forme. José Bodalo fait le chef de bandit mexicain qui gesticule partout et il le fait bien. L’originalité, c’est la Mama, à demi infirme, qui préside, un œil mort et la parole inintelligible (ou alors j’écoutais pas). Quelques scènes plus tôt, il y avait une patronne de taverne, grosse également, toujours assise également, muette, tapant sur son souffre douleur pour qu’il parle à sa place. Il y a quelqu’un dans l’équipe du film qui avait un faible pour les grosses bonnes femmes assises et qui a quand même réussi à en placer deux. Ces personnages secondaires un peu hors norme ainsi que certaines scènes sadiques ou mortifères (le jeu du mexicain dans l’amphore, le massacre de la ferme) tranchent avec les péripéties de gamin du reste du film, montrant ainsi un cinéma en constante recherche d’une direction à suivre et d’un difficile équilibre à trouver. A ranger donc dans la catégorie "Stupido ma non troppo", Professionnels pour un massacre est un spagh sympa à réserver tout de même aux fans.
Où le voir : DVD SNC M6 à l’image superbe, VF et VI, avec jaquette de Dupuy et Berberian, pas vraiment aussi inspirée que celles de leurs collègues.