Au fur et à mesure que nous nous rapprochons de Bamba, le flot humain se densifie. Bientôt, nous faisons partie d’un groupe entier, de femmes essentiellement, portant des bassines en plastiques, elles-mêmes pleines à craquer d’autres récipients fluo, d’énormes sacs de jute semblant sur le point d’exploser et de déverser tous leurs grains tant leur toile est tendue à l’extrême, des bébés qui supportent tant bien que mal la chaleur écrasante de fin de matinée des kilomètres durant.
Bientôt nous franchissons un ultime pont de pierre chevauchant un marigot pour débouler dans le marché de Bamba étourdissant de couleurs. Tout est ici encore plus dense et chamarré qu’à Djenné. Des centaines de corps qui transpirent sous un soleil d’hiver brûlant. Si les jours précédents furent essentiellement dominés par des tons terreux, à présent tous ces boubous bariolés me font l’effet d’un éblouissement après plusieurs heures passées dans la pénombre. Les femmes cuisent à même le sol des beignets de mil, les balles expulsent leur coton immaculé, le lait peul répand un effluve rance. Des graines noires non identifiées s’amoncèlent comme de petits terrils miniers. De petits oignons, des piments, et des tas de poissons malodorants. Et quelques objets que les tristes commerces déversent ici, des lunettes de soleil, des piles made in china. L’odeur des huiles chaudes nous brûlent les narines. Le marché est cerné d’ânes déchargés, de rumeurs, de charrettes sans ridelle qui dressent leurs brancards vers le ciel.
« Le marché secouait les entrailles de tous les hommes et de bon nombre de bêtes depuis Kamma jusqu’à Yougo. Vers midi, tous se plongeaient dans son énorme murmure, le feu aux oreilles et l’œil inquisiteur pour des achats modestes mais véhéments. » (Marcel Griaule)