La France est sur le point d’atteindre son objectif de 10 % d’énergie provenant d’agro carburants dans les transports en 2010. Mais l’utilisation de biomasses à des fins énergétiques comme carburants pour les transports, soulève depuis quelques années de nombreuses interrogations. L’ADEME vient de publier son étude très attendue sur « Analyse du cycle de vie des biocarburants de 1ère génération ».
Enrichir la connaissance scientifique sur les biocarburants
Cette étude a été lancée en 2009 par le MEEDM, le ministère de l’Agriculture conjointement avec l’ADEME et France AgriMer. Cette étude « répond aux recommandations du Grenelle de l’Environnement (engagement n° 58) préconisant une « expertise exhaustive et contradictoire du bilan écologique et énergétique des biocarburants de première génération». De plus, ce document répond également à la Directive « Energies renouvelables » du 29 avril 2009. L’Europe demande aux Etats membres d’incorporer dans les transports 10% d’énergies renouvelables produites de manière durable, avec pour critère une réduction de 35% des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux équivalents fossiles. La France doit ainsi remettre dans quelques mois son Plan d’action national en matière d’énergies renouvelables à la Commission européenne.
2 aspects fondamentaux
L’étude a permis de mettre en avant deux aspects fondamentaux :
1- l’impact des biocarburants sur le changement climatique avec les émissions des gaz à effet de serre,
2- l’efficacité énergétique avec la consommation des énergies non renouvelables.
Ainsi, les biocarburants produits en France présentent, sans tenir compte du carbone des sols, le bilan suivant :
* les gains nets en émission de gaz à effet de serre, par rapport à des carburants fossiles, sont de 60 à 70 % pour les biodiesels et de 50 à 65 % pour les bioéthanols.
Sans conteste, l’utilisation actuelle de biocarburants en France permet de remplacer chaque année l’utilisation de 2 400 000 tonne équivalent pétrole (tep).De plus, les résultats montrent que les éthanols et les esters d’huile usagée (EMHAU) et de graisses animales (EMGA) sont les grands gagnants. La fabrication d’éthanol de canne à sucre, d’EMHAU et d’EMGA nécessite 80% d’énergie en moins que le raffinage d’essence ou de gazole fossiles. Logiquement, ce même trio remporte également les lauriers de la moindre émission de CO2. Du champ à la roue, l’éthanol de canne à sucre génère 72% de CO2 en moins que l’essence. Les EMHAU et EMGA émettent environ 90% de moins que les gazoles classiques. Très bien, à ceci près que les meilleurs des agro carburants sont ceux qui sont issus des productions exotiques ce qui pose de nombreux problèmes.
Un bilan désastreux en termes de gaz à effet de serre
Par ailleurs, l’étude met en évidence la complexité du processus d’évaluation du bilan écologique « du puits à la roue » des biocarburants. Elle reste prudente et incomplète sur la question du « changement d’affectation des sols », et préconise des travaux complémentaires. L’origine des sols destinés à produire les végétaux, le retournement des prairies sont susceptibles de modifier substantiellement les résultats de cette étude. D’après le communiqué de presse de France Nature Environnement(FNE), le bilan des agro carburants en matière de gaz à effet de serre en prenant en compte l’impact du Changement d’Affectation des Sols (CAS) est très mauvais. En effet, la transformation des forêts tropicales primaires en cultures industrielles de canne à sucre et de palmiers à huile destinées à faire rouler nos voitures est à l’origine d’émissions très importantes, liées au déstockage massif de carbone suite à la suppression du couvert forestier et à la dégradation des sols. Pour Lionel Vilain, conseiller technique agricole de FNE : « Les résultats de l’étude sont sans appel : lorsqu’on prend en compte les changements d’affectation des sols comme la déforestation notamment, l’impact effet de serre des agro carburants est le double de celui de l’essence ou du gasoil remplacé ! ».
L’avis Sequovia :
Les biocarburants constituent une des alternatives possibles aux carburants fossiles dans la lutte contre le changement climatique. Cependant, la mobilisation des ressources naturelles pose un certain nombre de questions. La France ne peut ignorer les conséquences environnementales et humaines des politiques de promotion des agro carburants. Il est essentiel de prendre en compte le changement d’affectation des sols de la production d’agro carburant.
L’exemple de l’Indonésie avec l’huile de palme produite après avoir rasé des forêts destinées à produire des agro carburants est une catastrophe à la fois climatique et une atteinte à la biodiversité! En intégrant les émissions dues à la déforestation en Indonésie, le bilan des émissions des GES de l’huile est le double de celui du diesel qu’il remplace. En attendant l’arrivée des biocarburants de 2ème génération, il est intéressant de poursuivre ces études ou bien de passer directement au véhicule électrique !
A noter qu’un comité d’orientation chargé d’étudier la question des changements d’affectation des sols va être mis en place le mois prochain