« La peau » de Liliana Cavani ( TF 1 Video )
Comment l’armée américaine a-t-elle préparé la libération de Rome en 1943 ? La petite et la grande histoire apportent ici plusieurs réponses dans une fresque cinématographique à la fois éblouissante et cruelle .Je n’ai pas lu le roman éponyme écrit en 1949 sur lequel s’appuie la réalisatrice , qui dit de l’auteur Curzio Malaparte , qu’il « décrivait ce qu’il voyait de façon réaliste, avec un sentiment de douleur et de regrets. Il y mettait aussi beaucoup d’ironie ».
C’est bien ainsi que Liliana Cavani reprend le fil du récit en rapportant les faits vécus par le romancier ,qui ont émaillé les préparatifs de l’arrivée sur Rome, dans une ville napolitaine en proie à la décadence et à la misère. Les femmes s’y prostituent à la minute, les mères vendent leurs enfants , et le marché noir se fait sur le dos des prisonniers allemands qu’un italien propose de vendre au kilo. Devant le refus du général américain, il en fera alors … des savonnettes !
Burt Lancaster dans la peau du héros libérateur adapte son ton à celui de Malaparte, un brin naïf, un rien humaniste , mais bourru bien entendu pour ce libérateur représentant la démocratie nouvelle. Et tout l’espoir d’une Europe déjà vieille qu’un officier de liaison italien, richissime, laisse entrevoir au cours de ses médiations et bons offices. C’est Marcello Mastroianni ,latin lover patenté pour accueillir la première femme américaine sur le sol italien , l’épouse d’un sénateur. Alexandra King , sauvageonne et secrète vient dit-elle pour secourir les pauvres et les affamés…
Liliana Cavani , secondée au scénario par une certaine Catherine Breillat enchaîne ainsi les histoires , en réfrénant son penchant pour le documentaire ou la chronique sociale. « Mais je m’en suis inspiré » reconnaît la réalisatrice, comme elle s’inspire plus qu’elle n’adapte l’œuvre de Malaparte .Tout son esprit demeure « dans le visible et l’invisible, qu’il sait si bien raconter. En ce sens il me fait penser à Céline, bien que leur monde était totalement opposé. Ce n’était pas un idéologue , aligné sur un parti, il était libre, et critiquait qui il voulait ».
Les maquereaux, les escrocs, la bourgeoisie, ici tout le monde y passe dans des scènes surréalistes, et baroques, des scènes extravagantes comme ce dîner Renaissance dans un palais chancelant au pied duquel les putains se jettent sur les soldats.
Claudia Cardinale, dans un rôle plutôt secondaire, en princesse désoeuvrée
C’est un film entre deux mondes, confronté au déclin et à la décrépitude d’une nation . Débarquer à Naples c’est comme débarquer à Babylone, écrit Malaparte. Naples a un passé trop riche, trop complexe, ce qu’essaie d’expliquer en vain l’auteur et que résume parfaitement le lieutenant de liaison fatigué de la harangue des vainqueurs : « vous êtes venus combattre les allemands ou insulter les italiens ? »
LES SUPPLEMENTS
Dans les trois interviews , la réalisatrice parle très peu de « La Peau », et quand elle évoque son cinéma , c’est souvent « Portier de nuit » qui revient .
« L’individu et l’Histoire » ( 7 mn ) : plutôt un ensemble de généralités sur la bêtise des hommes, et leur aveuglement face au bonheur qu’ils délaissent.
« Malaparte, grand reporter » ( 7 mn ) : beaucoup plus intéressant, le portrait de ce journaliste brossé par Liliana Cavani . Dans « La Peau », « il voit les américains de façon positive, il aime leur coté naïf, et à ses yeux, ce sont des purs, qui n’ont pas été souillés par le péché, qui n’ont pas perpétré de massacre. Il voit le côté positif des américains, parce que sa vision du monde est positive ».
« A la frontière de l’Apocalypse » ( 19 mn ) : la cinéaste raconte le tournage dans Naples, ses souvenirs auprès de Marcello Mastroianni ,et Burt Lancaster qui participera au tournage gratuitement .