A quoi doit servir une grève? revendiquer certes, mais pour qu'elle soit efficace, que les négociations aboutissent, il s’agit de déranger les habitudes et modes de fonctionnement de ceux qui tiennent le pouvoir décisionnel, et si possible en gênant le plus grand nombre pour que l’opinion soit alertée des revendications tues par ceux qui ont intérêt à ce que rien ne change.
La grève actuelle à la SNCF est exemplaire à plus d’un titre. D’abord sur le mode opératoire qui ne jure que par la grève continue, seule capable de contraindre les dirigeants à réagir pour éviter la montée de la grogne des usagers et limiter les pertes de chiffre d’affaire.
Si dans un premier temps les dirigeants font tout pour discréditer la grève en conditionnant toute négociation à une reprise du travail et en affichant une gestion de la grève sans difficultés, c’est bien la motivation affichée dans la poursuite de cette grève qui permet une focalisation médiatique sur les revendications et sur la méthode employée par la direction pour éviter tout dialogue social, les usagers constatant par eux-mêmes que leurs déplacements quotidiens sont fortement perturbés par ce refus du dialogue ou ce dialogue conditionné.
La mobilisation a beau être plutôt faible, elle est tenace, radicale, elle coûte cher et démontre en quoi les belles paroles ou les jolies conventions signées sur le dialogue social ne sont que foutaises. Cela l’opinion publique le constate et si l’usager est usé car pénalisé dans son quotidien alors qu’on lui dicte que tout va bien, il ne peut que se retrouver dans la dénonciation des méthodes habituelles actuelles en vigueur dans les entreprises ou le chantage et le non respect des engagements sont monnaie courante.
Exemplaire, cette grève l’est aussi de part les revendications qu’elle porte en matière de service public. Les cheminots sont bien placés pour observer la dégradation de leurs horaires de travail, la diminution des effectifs d’entretien, la suppression de toutes les lignes censées être non rentables (notion absurde en matière de service public), l’enrichissement de façade de la SNCF que l’on a séparé en deux (création de réseau Ferré de France en 1997) pour socialiser les dettes chez l’un et maximiser les profits chez l’autre en ne gardant que ce qui est rentable, l’objectif libéral étant à terme de sortir du public cette entreprise qu’il s’agit de valoriser aux yeux des actionnaires, en faisant payer les dettes d’infrastructure via RFF à l’ensemble de la communauté.
Evidemment la SNCF n’est pas un cas isolé dans le démembrement actuel des services publics, c’est même un concentré de ce que l’on prend au bien commun, à l’opposé des intérêts de chaque citoyen usager, c’est un appauvrissement global de la richesse du pays redistribué vers l’intérêt d’un petit nombre.
Enfin cette grève, je la trouve remarquable pour l’exemple qu’elle apporte en matière de lutte syndicale, ou quand les syndicats affichent une priorité d’entreprise pour un combat d’intérêt général, avant des intérêts nationaux d’affichage, tel le ridicule FO censé réserver ses forces pour le futur combat sur l’avenir des retraites qui ne l’empêchera pourtant pas de prôner de multiples journées de grèves alternées lorsqu’il s’agira de préserver ce qu’il y a à sauver, usant et fatigant la motivation du plus grand nombre pour un effet en terme de résultat obtenus désastreux.
Je sais bien que mon soutien infaillible au combat actuel des cheminots est loin d’être largement partagé par les nombreux usagers pénalisés tous les jours, mais je suis persuadé qu’il faut parfois être impopulaire (je parle des cheminots) pour faire jaillir la vérité du combat mené, combat qui dépasse de très loin les intérêts corporatistes que l’on voudrait laisser transparaitre. Quelque part, nous sommes tous des cheminots.