Disons-le d'emblée: Clerks 2 est un film d'utilité publique. Suite de Clerks (1994), ce nouvel opus constitue en effet un film salvateur, dont l'intelligence et la pertinence du propos n'ont d'égale que la puissance comique dégagée par nombre de ses scènes. Kevin Smith livre ici un film qui réhabilite le droit de ne pas rentrer dans le troupeau, qui prône la liberté de rester fidèle à ses idéaux de vie, et qui redessine avec justesse la notion même d'"adulte". Car loin de constituer un film potache, Clerks 2 va loin, beaucoup plus loin qu'une hilarante comédie (qu'il est également).
A travers l'histoire de ses deux protagonistes principaux, Smith fustige l'idée communément admise et totalement stupide selon laquelle l'être humain ne peut devenir adulte et responsable qu'en rentrant dans le rang et en renonçant à sa part d'enfance et de folie. A l'inverse, il considère avec raison que la véritable responsabilité réside dans le fait d'accepter de ne pas renoncer à ce que l'on est et de rester fidèle à sa manière de vivre, fut-elle transposée dans un cadre différent (la vie de famille en l'espèce). La notion même d'adulte est conditionnée par cette acceptation, tout renoncement constituant un échec et un refus de sa propre personnalité.
Développant ainsi un propos d'une force, d'une justesse et d'une vérité inattaquables, Smith force véritablement le respect. Par ailleurs, le film est parsemé de situations et dialogues à pleurer de rire, dont la scène de l'âne, à se passer et repasser en boucle, ou la double séquence "Silence des Agneaux", jubilatoire.
Il est véritablement incompréhensible que Clerks 2 n'ait pas eu le droit à une exploitation cinématographique dans l'hexagone, n'ayant eu que les honneurs d'une sortie dvd. Cet état de fait en dit long sur la mentalité de nos distributeurs et de nos exploitants, qui ont peut-être vus dans Clerks 2 des vérités trop dures à encaisser...