C’est étonnant comme le fait de travailler dans une commune vous donne l’impression que tout est facile à changer. La prise est quasiment directe avec la réalité, c’est indéniable et c’est un confort dont la majorité des gens ici ne sont probablement pas conscients.
Pourtant, alors que la structure est relativement légère (au delà des 500 agents tout de même), les choses sont pesantes de l’intérieur. Ce que j’aime beaucoup ce sont les baronnies. les petits états dans l’état qui se créent, se développent, sclérosent et finissent par entraver le fonctionnement général. On dirait un cancer en moins mortel, sauf que la biopsie n’existe pas. A moins d’avoir recours à un docteur de la cour des comptes ou d’ouvrir assez grand les yeux, tout cela n’apparaît guère.
Se précipiter sur la suite (mais sans quitter cette page !)
Le bâteau vogue confortablement au gré d’un courant pas trop violent, le capitaine tient la barre tandis que les comploteurs divers et variés rejouent dans leur tête les révoltés du Bounty.
Comment se fait-il que toutes ces volontés, ces compétences, ces énergies cèdent si facilement à la tentation du pouvoir? Le gros gâteau n’est pas si gros que cela, il file même de sacrées aigruers d’estomac quand il ne vous rend pas malade. Et pourtant vous trouverez toujours un glouton pour vouloir la plus grosse part. Des fois même ils sont si gloutons qu’ils veulent manger plusieurs gâteaux, quitte à n’en avoir aucun au bout du compte.
Une collectivité c’est un petit monde, une humanité en version lilliput. Chaque chef de service est un chef d’état en puissance par lequel il ne faut oublier de passer, sauf à vouloir inutilement s’exposer à la vindicte populaire et souffrir les gros yeux qui font peur. La diplomatie y est basique il faut bien l’avouer. Si vous cherchez Kissinger ou Védrine, c’est rapé, le niveau y est plutôt moins élevé. Les petites crasses qui finissent en grosses disputes, en énormes bouderies c’est le quotidien un peu effrayant auquel il faut s’adapter.
Le meilleur moment, celui où s’exprime toute la noblesse de l’ardent désir de servir le public au mieux, c’est quand le 15 novembre approche. Les morts sont déjà fêtés mais les budgets peuvent encore être pressés un peu. Car jusqu’au 15 novembre peuvent être émis les bons de commande. Pièce quasi mystique d’un service il incarne à lui seul le travail fait. Si tu dépenses c’est que tu bosses. Certains bossent énormement, trop même mais ils s’en foutent un peu, c’est pas leur argent.
Quand arrive le 15 novembre c’est là que l’on vidange les budgets. C’est la course, comme pour noël, mais en version rollerball plutôt que boulevard Haussman. Avec une régularité de comptable psychopathe les derniers euros sont consciencieusement utilisés. Enfin consciencieusement c’est vite dit.
D’où vient donc cette étrange habitude? Mais très cher, c’est mathématique.
Si vous aviez demandé 100 et que vous dépensez 90, vous n’aurez que 90 l’année d’après, et cela ne manquera pas de vous faire grimper haut dans l’échelle négative des décideurs. Car oui, l’argent va à ceux qui taffent dur!!
Vous l’aurez deviné, il est une chose que l’on fait peu, c’est travailler ensemble, puisque cela impliquerait de partager des budgets. Pas touche au mien !!! On dirait que c’est toi le pilote !! Si si , non je t’en pris, pilote cette opération et n’oublie pas de budgeter sur ta ligne hein? Voilà oui..
Vous vous demanderez qui décide au milieu de cette foule, vous aurez bien raison, moi aussi. Comme mentionné plus haut, les barons ne laissent personne trancher, ils s’arrangent entre eux, passent par dessus le chef pour aller pleurer à dieu.
Le vieil adage dit bien de s’adresser à Dieu et pas à ses saints, ceci dit dieu n’a jamais dirigé 500 employés et presque 30.000 habitants, ça se saurait.
Dans la vie y’a deux catégories de gens, ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Chez moi tout le monde tient un pistolet, résultat, y’a pas grand monde qui creuse… Ou plutôt si, chacun creuse mais dans son jardin…
L’idée du service public n’est pas encore totalement éteinte mais elle va pas faire long feu…
Cacher cette brillante littérature