dimanche 11 avril 2010
L'illusion comique - Corneille - Comédie française
Comme à mon habitude, j'ai donc lu la critique théâtrale après avoir assisté à la représentation. Pour découvrir avec grand étonnement sa tonalité réservée, parfois inclémente, pour ne pas dire franchement outrancière sous la plume cagote du critique de Libération. Car enfin, quoi ?! Pouvait-on espérer relecture et mise en scène plus intelligentes d'une pièce écrite il y a quatre siècles ou peu s'en faut par un Corneille pas encore trentenaire ? reprochera-t-on à Galin Stoev de n'avoir pas situé la scène dans la grotte originelle mais dans un espace où coursives et recoins vitrés acculent le spectateur au hasard de son emplacement et invitent les comédiens à s'épier les uns les autres, comme pour mieux dire la confusion où Corneille nous invite ? trouvera-t-on ce décor trop peu rococo ? ces costumes trop lâches, trop anodins ? Rien pourtant dans cette mise en scène de sottement esthétique, ou de bêtement up to date, mais la revendication d'un parti pris bien décidé à tirer la pelote cornélienne à son terme. Car puisqu'il s'agit pour Corneille de trousser quelque embardée dans les certitudes du spectacle, d'emmêler le vrai et le faux, de clamer au plus haut la puissance magique et pour ainsi dire souveraine de l'illusion, alors faisons savoir que Galin Stoev a réussi son pari : honorer dans un même geste la perfection classique d'un texte très virtuose et exhausser ce qu'il en a d'esprit moderne et transgressif. Et si l'on peut être décontenancé par l'incessante volte-face des identités et des masques, c'est là aussi le prix du réel : gare à la surface, gare aux chausse-trappes, à ce qui demeure en l'homme d'incessamment liquide.
Reste enfin ce texte un peu fou, virevoltant entre les registres les plus baroques, lyrique et foutraque, un texte très gourmand, plein de vitalité et de beauté classique, où perce un esprit plein d'humeur, de mordant et de saine provocation. Un texte à relire - ce que je viens donc à l'instant de faire, et que je vous invite instamment à aller voir jouer, jusqu'au 13 mai, salle Richelieu. On y prend ce qu'il convient d'appeler une leçon.